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Le loup dans la bergerie

Le loup dans la bergerie

À Wien
En March 2008
C'était le printemps
Ref 189.10

Au 34 de l’avenue Foch, chez mes grands parents, dans ma jeunesse, autour des tapis velus et des portes de bois, Sylvain et moi retrouvons un étrange personnage, désormais propriétaire légitime des lieux. Je suis curieux, j’aimerais savoir ce qu’il fait vivre à ces couloirs où j’ai volé des chocolats, à ces décorations sur les tapis où j’ai joué à la petite voiture, à ces vitrines pleines des papiers de mon grand père que je n’osais pas nettoyer.

Le personnage nous accueille avec entrain, nous avons toute confiance en lui. Il est assis obliquement sur l’un des fauteuils de cuir vert où est mort mon grand père, sa jambe dépasse de l’accoudoir, il est chez lui. Sur le sourire de sa compagne, qui se tient debout à quelque distance, on lit l’inverse de la révolte, et du plaisir. Elle joint ses mains sur le devant d’une blouse grise.

L’interrogatoire commence. Avez-vous scellé l’autre chambre, où vécu jusque ses 97 ans Mémé Suzanne ? Qu’avez-vous pensé des lits dépliables de la chambre du fond, déguisés en armoire ? Et cette petite table ronde du salon, d’où sortent des tablettes bordées de cuir vert, l’utilisez-vous réellement ?

Dans les réponses du personnage, qui me satisfont toutes, se trouve aussi une insinuation plus ample, et dans sa bouche, les mots les plus quotidiens s’accompagnent d’une suspicion philosophique. Je me laisse entraîner par cette belle pensée, et nous débattons de choses, dont les occupations serviles de sa compagne, au sujet desquelles, encore une fois, je suis tout à fait satisfait.

Soudain, Sylvain fronce les sourcils. L’une des hypothèses du personnage, qui pourtant est unanime, affirme l’exact inverse de ce qu’une autre hypothèse, également unanime, soutenait il y a quelques minutes, et à laquelle nous nous étions évidemment ralliés. Je nous sens incertains, à devoir choisir entre la défense d’une intégrité de pensée qui nous a visiblement déjà échappé, et l’approbation de notre hôte.

Nos premières contestations, dont nous nous rassurons en pensant qu’elles éveilleront l’intérêt d'un personnage si élégant pour la contradiction, ou la beauté d'un esprit honnête, le laisse en fait parfaitement froid. Sylvain et moi ne sommes sans doute déjà plus là, à la pensée de ce gentleman autonome. Ses idées s’enchaînent et contredisent successivement l’idée précédente, la thèse d’un fameux philosophe qu’il prétendait admirer, l’idée suivante, les choses auxquelles tu crois le plus sincèrement du monde et l’hypothèse de notre propre présence.
Il est trop tard. Tout ce que nous possédions de plus certain est passé sous l’ingrat scepticisme de cette homme. Rien de ce que nous pouvons dire ne pèse plus ; ni notre coeur, ni nos arguments, ni l’écoute silencieuse que nous lui avons offert ne le touche. A l’évocation des thèses les plus dangereuses, nous tentons de saisir la conscience de sa compagne, mais nous voyons à son air d’approbation paisible qu’il y a longtemps que son esprit vagabonde indifféremment d’une chose à l’autre, que son amour tout entier et son admiration vont à celui qui nous parle. Et peut-être même qu’elle a cherché cet homme, elle l’a longtemps cherché avant de s’endormir, que cet homme n’est que le personnage de ses désirs les plus intimes, et qu’avant lui d’autres ont trôné sur ce siège, à faire les mêmes choses, à les dire moins bien.

(dans la même nuit d'hier, vu Lue en compagnie par hasard, hétérotélie chez Sarah et oublié le Leica en laissant un lieu, pour la première fois de ma vie, chez Charlie.)

Paris, le 16 mars 2008

La grande évasion

La grande évasion

En February 2008
C'était l’hiver
Ref 188.29

Je ne sais pas combien de temps il me reste avant qu’ils ne se rendent compte de mon imposture ici, dans la cour intérieure de la Mairie, qui donne sur le Zocalo de Mexico, mais je sais que ce temps est très peu. Pour ne pas accélérer encore sa diminution, j’essaie d’agir le plus banalement possible, et je rajoute des gestes qui seraient inutiles ou suicidaires au fuyard que je suis. Je tire de l’eau d’une petite fontaine, puis je me dirige lentement vers la porte de sortie.
De l’autre côté du chambranle, je tombe sur une poignée de gens très hauts, bien habillés, des touristes importants ou des hauts fonctionnaires. Pour ne surtout pas dissoudre absolument ma crédibilité, je leur fais comprendre qu’ils n’ont sûrement pas grand chose à faire ici, que je suis du dedans, et qu’ils sont du dehors, et je ferme la porte derrière moi. Maintenant, s’éloigner lentement.
Au bout de cent mètres, en plein milieu du Zocalo, un policier crie en ma direction. Flûte, le sac de sucre ou de farine que je traînais a laissé une trace blanche qui remonte directement de la mairie à mes pieds. Pour montrer la grandeur de ma bonne foi, je glisse le sac dans une poubelle ; bien sûr je viendrai nettoyer le reste personnellement.
Mais le policier, toujours en criant, me dépasse et je comprends, lorsque je vois un homme au loin autour duquel l’agitation grandit, que ce n’est pas après moi que la police en a, et que le danger est peut-être plus gros que la capture et la milice mexicaine. Les touristes s’écartent de l’homme en courant, les forces de police foncent sur lui et s’arrêtent à distance de vue. Il est évident qu’il est enrobé de bombes. Il porte aussi un revolver qui brille violemment.
Une première détonation ne parvient pas à le tuer, mais soulève un nuage de poussière. Je saisis instantanément l’importance de l’événement. Le Leica s’apprête à tirer, je cherche un peu plus la gauche, la ligne la plus droite de moi à lui. Brusquement me revient cette évidence militaire : la ligne la plus droite de moi à lui est aussi la ligne la plus droite de lui à moi. Il tire. Mais nous étions si éloignés que la distance a ralenti la balle. Je la retrouve écrasée sur ma poitrine, enfoncée d’un demi centimètre autour d’une arrogante perle de sang.
Vienne, le 3 avril 2008

Son regard, à force d'user les barreaux

Son regard, à force d'user les barreaux

En February 2008
C'était l’hiver
Ref 188.26

A déjeuner chez Jean-François, à la terrasse de la rue Saint Benoît, les premiers rayons du soleil de mars, et l’odeur des filles. Derrière la vitrine du libraire, je vois la main qui pend de Truman Capote, embarrassé par la palmeraie, sur la photographie qu’a prise HCB en 47, et dont ce tirage de 48 coûte 4000 euros. Je l’envisage sérieusement en sauçant mon entrée, Saint-Germain-des-près me donne une brise un peu vaniteuse de nouveau riche.
Sylvain me parle d’Eugénie, qui est chère comme un félin, et insondable comme une félin. Stéphane déjeune un peu plus loin avec un client vaincu, je l’entends qui ensorcelle. Soudain je vois ce petit homme qui est mon père, marcher de l’autre côté de la rue. Je crains pour mon image, si jamais les vrais germanopratins découvraient d’où je viens. Il passe derrière une file de camionnettes, je l’attends qui doit reparaître, mais il ne se passe rien. Un instant je me demande où il a bien pu passer, puis je le vois qui avait fait son tour s’approcher de nous, dans un état indéfini de déchéance, entre le mendiant voyageur et Cratès de Thèbes. Mon père a les cheveux blancs et longs, on voit paraître son torse, qui est vaste et brillant. Je pense à lui en termes de capital, je me dis étonnamment que tous les maux du corps, je ne peux pas les tenir de cet homme si vaillant, ce chasseur, que je les tiens obligatoirement de l’autre partie de ma famille, des Dandrieux, d’une faiblesse plusieurs fois séculaire qui habite dans les Dandrieux.
Avec sa voix, il m’adresse quelques mots sûrs et s’en va se mettre à une table, visiblement décidé à manger.
Je n’y tiens plus, il faut partir. Mais, debout devant le comptoir pour payer, je ne parviens pas à décoller mon regard de sa figure défaite et de ses os saillants, qui répondent au soleil. Je dis à Emilie, avant qu’elle  ne m’encaisse : « je paie pour ma table, et tout ce que te demandera cet homme, je le paie aussi. »
Montmartre, le 29 février 2008

Dans la serre tropicale de Schönbrunn

Dans la serre tropicale de Schönbrunn

En February 2008
C'était l’hiver
Ref 188.21

Mon amoureuse et moi prenons beaucoup de temps pour préparer la couche. Il faut en tirer les coins, toujours s’assurer de la couverture uniforme de la couette, caler les coussins, attribuer les côtés. La partie la plus longue est la répartition de la chaleur des corps, de se chauffer sa place dans le matelas aux enjeux plus subtiles de savoir qui est trop chaud, quel bout de ton corps est trop froid, mets ta main là, dégage ton pied. Cette partie de la préparation peut durer toute la nuit.
Mais ce n’est pas notre premier lit, l’expérience compte, nous sommes rodés. Au prix d’immenses efforts et de grands sacrifices, parfois de manigances qui nous éloignent et nous fatiguent, mon amoureuse et moi parvenons à produire une couche d’une qualité incomparable. C’est aussi ce que pense un ours, à l’opportunisme duquel les parois coulissantes de la chambre ne résistent pas. La perfection de notre couche ne l’attendrit pas, il se suffit de nous en foutre dehors et de dormir au chaud.
Tu es sans doute parti de trop loin. Peut-être que ce que tu fais, ce sont tes enfants qui en bénéficieront.
Vienne, le 7 mai 2008

Bangers & Mash

Bangers & Mash

À Paris
En December 2007
C'était l’hiver
Ref 185.16a

Je connais cette lumière, c’est la lumière rouge de Rome, lorsque les pins-parasols s’élèvent devant le soleil, et je regarde le Gianicolo se coucher depuis ma terrasse, en lisant Moby Dick. Bientôt il fera nuit, on n’y verra plus rien.
JP et moi devons descendre au plus vite de Montmartre. Le chemin le plus court pour atteindre la ville est une lente plaine herbue qui a déjà de sombres airs de traquenard. Nous courrons, je sens la machine de mon corps qui est faite pour ça, je la sens trouver son rythme. Devant, JP qui est un plaisantin, pour dédramatiser notre situation, lâche quelques pétards. Moi, j’ai bien peur qu’il ne vienne d’éveiller les rares dangers qui nous guettaient.
Cette lumière et le visage de mon vieux copain vont bien ensemble. Je sors le Leica, je tourne les bagues pour faire mon couple, mais une première fois, JP sent le coup venir et se crispe dans une grimace de comédien. C’est dur de faire le portrait d’un comédien disait Henri. Comme d’un homme politique, ils connaissent bien leur métier. Le comédien : « comment le voulez-vous ? dramatique ? comique ? Las ? ». Sans doute que si je persévère...
Mais nous n’aurons pas le temps de rejoindre la ville. Heureusement, un centre commercial, où nous espérons trouver d’autres errants, est resté ouvert. Dès l’entrée nous voyons un vaste terrain de jeu avec des arbres, du sable, des cabanes, des poutres croisées liées avec de la corde, des filets pour rejoindre les cabanes et des échelles. Nous nous mettons torse nu, dans l’esprit sportif du jeu.
Accroché à l’une des poutres, très en hauteur, JP saute, les bras grands ouverts, vers une autre hauteur. C’est magnifique : l’angle de vue, la lumière qui l’entourait, l’espace qu’il ramenait à lui avec ses longs bras, comment ai-je pu rater cette photo ? Lorsqu’il recommence l’opération, cette fois de la seconde poutre vers le sommet d’un arbre, je suis prêt, mais les branches et les feuilles gâchent tout le visuel.
Je me surprends à penser à la qualité de cet environnement naturel, où JP en tout cas se sent si bien. Je me demande à quoi peuvent ressembler les autochtones, et il ne faut pas longtemps à un grand homme-nuit, la peau foncée, pour me trouver. Il se déplace les yeux clos, autour de ses paupières sont cousues des petits bris de porcelaine blanche et bleue, qui ramènent l’idée d’une pupille. Voilà le piège.
Pour gagner du temps, j’attrape la corde d’ornement qu’il a nouée autour de son cou et je la fais passer derrière une poutre, en la tirant de toutes mes forces. Vraiment, je ne sais pas qui est le plus à plaindre, de moi qui n’ai pas encore pu jouer, mais dont le sursis touche à l’évidence à sa fin, ou de JP qui s’est amusé comme un fou, mais que dévore déjà un gros félin à dents de sabres.

Mais là où il y a danger, là aussi croît ce qui sauve

Mais là où il y a danger, là aussi croît ce qui sauve

En December 2007
C'était l’hiver
Ref 184.19

Il y a beaucoup de cette neige nouvelle que j’ai vue en Savoie, et qui s’empile sur une antique neige. Au terme d’une lente marche de montagne, avec Casilli et Stéphane, nous hésitons à redescendre en glissant, la vitesse ne nous intéresse pas beaucoup, et je pense franchement au froid mouillé sur mes fesses, même au travers de ma combinaison molletonée.

Une fois en bas, je vois qu’un petit bateau de bois, avec une voile triangulaire, a été plus hardi. Il glisse depuis la montagne et parvient jusqu’au lac à demi gelé, en contrebas de la chapelle immobile, puis flotte sur l’eau libre, tourne poussé par le vent et se fait porter jusqu’à l’ubac de la montagne, que l’inertie parvient à lui faire grimper de nouveau. Puis il glisse depuis la montagne et retrouve le lac gelé, perpétuellement.

J’arrive à l’attraper à force de patience, en me postant dans le lac, muni de bottes de caoutchouc. Heureusement, cette partie de l'eau n’est pas plus haute qu’une barboteuse et les enfants s’en approchent pour y pousser leurs bateaux avec des bâtons de bois. Je suis la vedette de la barboteuse, parce que j’ai en ma possession le bateau perpétuel, qui est tous les bateaux, et les enfants me regardent.

Paris, le 11 janvier 2008

Les arcades de l'or du Zócalo

Les arcades de l'or du Zócalo

À Mexico
En November 2007
C'était l’automne
Ref 183.3

Deux rêves cette nuit, plus longs que prévus. Dans le premier, Oléna, (la blondeur solaire d’Oléna et son corps en santé, qui sont ceux de J.S.) et moi nous retrouvons dans la périphérie d’une grande ville. Le ciel est retenu pas des bretelles d’autoroute. Alentour grouille un marché sale et des caravanes précaires et habitées.

Oléna et moi ne pouvons pas être ensemble, à cause de la ville et des raisons complexes qui forcent deux personnes qui s’aiment à se regarder de loin. Mais nous nous chassons parmi les caravanes et les vendeurs de pierres. Je suis plus sérieux qu’elle : en tentant d'intercaler deux arrêts de bus entre nous, je compte mettre un terme à ce jeu dangereux. Mais elle reparaît dans un parking où se vendent des voitures d’occasion. Finalement je l’enlace et elle me glisse dessus. Un baiser.

Le second rêve se déroule dans un décor vaste et étranger, sans doute les rues qui entourent le Zócalo, puis le quartier de l’Ambassade de France à Mexico, avec ses pentes. Sylvain et moi revenons à une maison que nous avons déjà habitée, à bord d'une grosse voiture américaine, bariolée, très haute, munie d'un marche-pied comme les camions, si forte qu’elle fait rebrousser chemin à toutes les autres voitures qui essaient de nous croiser, sur cette petite route à une seule voie.

La maison porte les cicatrices de notre habitation : des objets à moitié ouverts, des lieux sales, des draps, nos odeurs et nos coquetteries de décoration. C’est chez nous.

Nous sortons, et nous croisons Hervé Devolder, comme nous croisons souvent Hervé Devolder en sortant. Il est déguisé en homme feuillu, pour le grand carnaval. Je regarde en contrebas d’un cour de tennis. Des dizaines de personnages jouent au ping-pong ou au badminton en déguisement. C’est le grand renversement des apparences. Des hommes sont habillés en femme, des femmes en homme, les gentils en méchant. Ils ont des masques, ils sont libres : certains disent des grossièretés. Stéphanie, qui tout à coup apparaît, assise depuis longtemps sur le rebord des grillages qui nous protègent du cour, me regarde gentillement, sans doute juste pour me dire bonjour. Je hate le pas, il faut partir.

Plus haut, la rue s’écartèle en croisement. Sylvain traîne à parler avec Hervé, je m’impatiente de partir de ce lieu de décadence, qui ne m'est pas étranger. A gauche du croisement trois personnages complotent, dont l’un est Grégory Heyvaert. Je fais semblant de ne pas le voir, ce n’est pas le moment des longues explications. Bien sûr, Sylvain le voit et se met à parler avec lui.

Le seul embranchement du croisement qui me permettrait de partir sans me retourner se termine par une étagère pleine d’objets à vendre. Mais, comme toujours dans mes rêves, je n'ai pas la bonne monnaie.

Paris, le 23 fevrier 2008

Le grand éboulement

Le grand éboulement

À Mexico
En November 2007
C'était l’automne
Ref 183.10

Une grande partie de volley-ball se décide, mais tourne à la balle aux prisonniers, à cause du nombre d’hommes qui nous accompagnent, et du devoir de les occuper.

Deux armées se forment, rassemblant tout ce que je connais d’amis de mon côté, et de figures douteuses ou inconfirmées de ma jeunesse dans l’armée opposée. La première passe est facilement remportée grâce à mon adresse tactique et la revanche s’annonce fielleuse. Je donne mes ordres. A chacun de marquer les lieutenants adverses. Attention à la répartition des gabarits et des poids. Certaines masses sont menteuses, elles sont remplies de pions rapides qui nous déborderons à la première erreur de l’orgueil.

Je ne comprends pas leur stratégie : ils nous laissent avancer à eux. Cela nous prend des jours parmi le désert. Par la jumelle, je les vois immobiles sur leurs remparts se protéger du sable. J’ordonne à notre dernière ligne de retenir les bases, mais je ne peux pas me permettre d’arrêter l’avancée, ils verraient que je doute de la victoire. Seulement je ralentis le pas, en divisant sa vitesse par deux, puis de nouveau par deux, et ainsi infiniment, comme dans les paradoxes de Zénon, qui prouvent que le mouvement n'existe pas.

Nous arrivons à portée de tir après une éternité. La cavalerie, qui était mon arme secrète (même moi j’avais oublié qu’il y avait une cavalerie à la balle au prisonnier) enjambe ma garde personnelle et fonce sur l’ennemi. La cavalerie adverse se mêle à la mienne. C’est la panique. Nous sommes bien trop nombreux. Je me retrouve à errer parmi les nuages de sable avec un simple pistolet, et lorsqu’enfin je parviens à me poster juste derrière leur Général, fermement décidé à lui lâcher une balle dans le crâne, pour effectuer ce que je suis persuadé d’être un grand geste militaire, je me rends compte que leurs armures fossiles sont vides, et que nous avons perdu beaucoup de temps à réfléchir au lieu de jouer à cette putain de balle aux prisonniers.

Sur le champs de bataille, je regarde tristement mes hommes mourir, décimés par la cavalerie de fantômes qu’anime une colère sans fin, bien décidée à nous faire payer leurs siècles de toile d’araignée.

Paris, le 11 janvier 2008

(Grande période de fatigue. Joue de la guitare plus doucement, sans médiator, dans les toilettes qui sont petites et humides, le son est plus océanique.)

Quand tu laisses quelque chose, elle te laisse également

Quand tu laisses quelque chose, elle te laisse également

À Mexico
En October 2007
C'était l’automne
Ref 184.2

Je rentre de l’enterrement de ma grand mère qui, pour la veille, s’est abandonné à la pente du temps, puis à l’oubli, puis à la disparition, après la mort de mon grand-père.
En arrivant à la maison, qui est une sorte de tour de pierre comme celle de Sigismond, les visages de ma mère et d’Anthony portent de graves nouvelles. L’un des deux me dit de ne pas monter, que je ne devrais pas voir ce qui gît là-haut, dans ma chambre. Je comprends que mon grand père, comme dans le reflet inversé de la réalité, s’est donné la mort pour accompagner ma grand mère. La bienveillance de ma mère et d’Anthony ne cherche pas à cacher cette mort, que je suis condamné à connaître, mais à couvrir une atrocité inutile. Je déduis de leurs gestes que mon grand-père a utilisé du poison et que ce poison lui a percé le visage.
Les pleurs ne m’empêchent pas de vouloir monter. Ma mère et Anthony ne parviennent pas à m’en dissuader, mais la tour y parvient, en supprimant les escaliers pendant que je les grimpe. Accroché à une poutre de bois, la tête renversé, ou renversé de chagrin, je sens que je tombe et que je m’abandonne, comme qui tomberait d’une tour.
paris, le 21 novembre 2007