Now
Season
A second childhood

A second childhood

À Paris
En August 2012
C'était l’été
Ref 319.26

J’avance toutes griffes dehors, à quatre pattes (c’est plus facile), dans le paysage, à vive allure ; j’avale le paysage comme une bête.

03/07/14 Rameau

S’il vient un feu, pour les en sauver, il faut les tromper.

S’il vient un feu, pour les en sauver, il faut les tromper.

À Paris
En June 2012
C'était l’été
Ref 310.14

Alors que je me rhabille un peu, je dis à Steph, qui marche avec moi, que la rue de Richelieu est longue et puante ; comme il ont bien fait de la reboucher en insérant un long tube d’immeubles en une fois, par le dessus du ciel, comme en versant une crème.

«Et les pompiers ?» demande Stéphane. « Comment font-il lorsqu’il y a un incendie pour accéder aux immeubles intérieurs ?»

«Ce sont des forces particulières», répondis-je. «Certains d’entre eux se ressemblent comme des jumeaux, et ce sont ceux-là qui s’occupent des deux extrémités du tube. D’autres ont la possibilité fantastique de changer de visage, afin de pouvoir ressembler aux pompiers originaux qui oeuvraient dans les tronçons intermédiaires et les parties centrales, qui sont donc condamnés depuis des lustres et où les habitants ne se font plus confiance qu’entre eux, ne croient plus qu’à ce qu’ils connaissent d’avant l’époque de leur isolement, et où les étrangers reçoivent un mauvais traitement. S’il vient un feu, pour les en sauver, il faut les tromper.»

Rêvé à Paris le 17 janvier 2012

Satori

Satori

À Paris
En June 2012
C'était l’été
Ref 310.13

Nous sommes nombreux dans une salle de pratique de yoga. Je suis dans une position face au reste des hommes, mais une autre personne plus influente, plus indiquée par ses vêtements, son âge et sa barbe, dirige la pratique.

Une femme assez vieille rentre, visiblement étrangère au groupe et au yoga (son corps, ses vêtements). Elle paie le Maître pour qu’il joue une pratique pour elle. Le Maitre, accoudé à une statue de la vierge, accepte et propose un Je-vous-salue-Marie. Tout le monde s’assoit très vite et nous nous rendons compte que le maître joue la pratique pour tous, mais alors qu’elle est habituelle gratuite, il fera cette fois-ci payer la dame : nous pratiquons ensemble ce que la dame à en fait payé pour nous.

Les paroles du Maître sont si rapides et si inarticulées qu’il est difficile de le suivre. Cela me laisse penser que nous entrons dans une boucle car, à cette vitesse, il ne pourra pas y avoir qu’un seul je-vous-salue, cela serait trop peu pour l’argent de la dame. Je ferme les yeux et rentre dans la pratique.

Soudain une activation involontaire des muscles de mon cou se produit ; ma tête souhaite pivoter. Après un réflexe de resistance, je décide de céder, jugeant que c’est là le but de la pratique. Mon cou est alors animé de droite à gauche, parfois par saccade, sans que je ne veuille rien ; il arrive que je craigne qu’on souhaite me le briser. Quelqu’un possède désormais mon cou.

Au réveil me reste l’idée “je dois avoir un problème de cou”.

Rêvé à Rameau le 8/11/13

Ce n'est pas à toi personnellement que les océans en veulent

Ce n'est pas à toi personnellement que les océans en veulent

À Paris
En May 2011
C'était le printemps
Ref 283.33

Grande pièce centrale d’une maison plus vaste aux murs de bois, dont la hauteur sous plafond fait perdre de vue les cornes et les dents des têtes de cerfs empaillés au plafond. Par les fenêtres qui donnent sur la mer, nous voyons d’innombrables petites tornades se jeter sur nous comme une armée. La maison tiendra, mais que n’ira pas ensuite inventer le destin pour nous mettre à l’épreuve. Vient alors une sorte de grand arc électrique qui relie deux nuages immenses. L’arc pénètre les murs et me cisaille la nuque. Une vague oblique dont je peine à déterminer la taille réelle monte déjà en diagonale sur les fenêtres. La maison n’est plus sûre, il faut soit partir de suite en ouvrant la fenêtre et l’inonder graduellement, soit attendre que l’eau ait possédé tout le paysage, ouvrir la fenêtre d’un coup, résister au courant qui voudra combler toutes les pièces et nager contre les forces du monde rassemblées.

Je prends Ice dans mes bras, parce qu’elle est toute petite, et m’échappe d’une de ces deux manières. Devant nous court un immense escalier de pierre, qui mène à un temple dont les hauteurs nous préserveront de la catastrophe. Ou peut-être n’est-il pas nécessaire de grimper tout en haut et les océans fâchés en avaient-il uniquement après la maison, dont le ravage nourrira leur secret besoin de sérénité.

Rêvé à Paris, le 23 février 2012

Le tiède et le dehors

Le tiède et le dehors

À Paris
En May 2011
C'était le printemps
Ref 283.28

J’ai rêvé que tu étais si petite dans mes bras. Chez moi était un hôtel chaleureux, de montagne, fait en bois comme le chalet Felizaz qui m’est refusé au jour de l’an. Ma mère mange de hautes tartes au fromage encaissées dans des pots de fer. Au tournant de l’étroit escalier qui mène au premier étage il y a bibelot qui va se casser la gueule, c’est certain, à force de grimpées joyeuses.

Nous, nous étions dehors, au Palais Royal, je te portais dans mes bras. Nous venions de nous rencontrer, nous étions les bons. Je voulus avancer parmi les arbres, mais tu me dis de revenir quelques pas en arrière, sous le péristyle Montpensier où il fait plus sombre. Je tenais tes seins d’enfant dans mes mains, par dessous ton tissu pour nous réchauffer.

Puis tu t’es mise à courir et la pluie est tombée. Je t’ai suivie rue de Richelieu, j’ai bien cru te perdre des yeux, mais nous jouions. Nous nous sommes retrouvés à l’hôtel de bois, tu avais les traits d’un petit garçon que j’ai connu et qui a grandit d’un seul coup.

Rêvé à Paris, le 16 décembre 2007

Ce paysage qui bouche le paysage

Ce paysage qui bouche le paysage

À Paris
En March 2011
C'était le printemps
Ref 281.17

C’est le jour des soldes, mais je ne le sais pas. Je m’en rends compte en pénétrant dans un magasin que d’autres ont pris d’assaut en conséquence d’une lente stratégie de siège — moi c’est par hasard qu’autant qu’eux je vais pouvoir en profiter, dans le fond j’aimerais que cela m’indiffère.

Un tas infamant de belles boites gît sur le sol. Il y a des shorts 3/4 Rapha en marron. Je ne les aime pas trop trop, mais ils sont si peu chers ! Taille 59, je vois distinctement le chiffre. Quelle chance, je porte justement le miens (le bleu) et peux m’assurer que la taille correspond. Je ne le veux pas tant que ça, mais c’est une affaire et un signe des dieux.

Pour m’ôter de l’esprit le tracas d’avoir à rater autre chose, je continue de fouiller, déballant partout au sol d’autres boîtes. Mais rien d’autre. Je remets sans conviction les choses les unes dans les autres et m’apprête a partir, cependant je ne retrouve plus le short que j’avais mis de côté. Je redéballe - peut être l’ai-je remis par hasard dans l’une des boîtes, mais le retrouve encore moins (c’est à dire que d’autres choses, qui étaient là il y a une minute, ont elles aussi disparues). Des âmes rôdent alentour, mais elles conservent encore leur distance en épiant. Je demande à un vendeur s’il peut vérifier les entrées et sorties de stock, quelqu’un a dû me le prendre, je me l’étais mis de côté, taille 59, regardez. Le vendeur hésite, il a tant d’autres choses plus importantes à faire, il lit dans le ton de ma voix entre autres que cela dans le fond m’indiffère. Cette fois je le regrette un peu et songe véritablement à me laisser aller. Mais il faut se faire à l’évidence : j’avais trouvé quelque chose qui, même si je ne le désirais pas tant que cela, était tout de même la résultante de tout un tas de hasards plus ou moins taillés sur-mesure et qui, au moins pour cette raison, étaient de grande valeur. Maintenant cela s’est perdu, et toute cette identité construite pour le coup s’est perdue dans le même temps.

I blindhet och oro på väg till ett mirakel, medan jag osynligt förblir stående

I blindhet och oro på väg till ett mirakel, medan jag osynligt förblir stående

À Paris
En January 2011
C'était l’hiver
Ref 275.30

At times my life suddenly opens its eyes in the dark. A feeling of masses of people pushing blindly through the streets, excitedly, toward some miracle, while I remain here and no one sees me.

It is like the child who falls asleep in terror listening to the heavy thumps of his heart. For a long, long time till morning puts his light in the locks and the doors of darkness open.

Tomas Transrtömer, Kyrie

Claire Bardainne

Claire Bardainne

À Paris
En June 2010
C'était l’été
Ref 260.00a

Je regarde par le viseur du fidèle Leica. Il y a le cadre lumineux, qui trace les limites du 50mm, et le viseur à coïncidence au milieu, un peu plus clair et si précis, qui me dit à quelle distance je me trouve de ce que je cherche.La scène qui se déroule devant moi est très sombre, ou embrouillée. Je ne sais pas encore ce que je vise, mais, petit à petit, selon leur habitude, certaines formes se mettent à briller, je sens qu'il faut aller plus à gauche, ou m'approcher plus près, aller sous une lumière oblique. Mais, malgré tous mes efforts, je ne vois pas mieux ce que je vise, et je finis par me demander si ce n'est pas tout simplement le télémètre qui est sale, et qui brouille tout. Pour en avoir le coeur net, j'écarte mon œil (mon œil a perdu un peu de son acuité à force de viser, il lui faut une seconde pour faire le point sur l'oeilleton de l'appareil) et effectivement, avec un peu de distance, je vois mieux ce qu'il y a au travers du viseur.Mais je ne suis pas réellement satisfait, car, au travers du viseur, la scène que l'appareil voit représente le viseur, un peu caché par une tête qui vient de s’en écarter, et que j'ai rarement l'occasion de voir de derrière. Tout était noir, bien sûr, bien sûr, parce que ma tête était devant le viseur qui visait ma tête. Il faudra donc se résoudre à ce que le viseur voie ce que mon œil voit, ou plutôt, à ce qu’il n'y a jamais eu d'appareil photographique.

Paris, le 22 octobre 2007

Bye—bye Woody

Bye—bye Woody

En June 2010
C'était l’été
Ref 257.25

D’abord quelques disparitions éparses, suivies par la découverte des corps abandonnés au sol sans dignité et à la vue de tous, laissent aux médias imaginer un, puis plusieurs tueurs dénués de la peur de la justice, inhumains et sans pudeur. Ensuite viennent les premiers vastes phénomènes, qui impliquent des meubles, des camions et des ponts. Les objets manufacturés se brisent, coupent, écrasent, poursuivent, hantent, oublient et pourchassent à nouveau. Les gratte-ciels de la baie de la rivière Hudson se séparent en deux et s’écroulent. Finalement les arbres et les pierres s’ouvrent, s’agitent et s’écroulent et l’océan qui se fend achève d’envahir l’horizon. Il a été décidé que cette version-ci devait recomencer, et nul soin n'est plus porté à en perpétuer les règles et la physique, ce qui veut dire que moi aussi je vais mourir, parmi la nécessaire et méthodique annulation de chacun des témoins.

Paris, le 3 mai 2011

Cidrüd & Lue

Cidrüd & Lue

À Paris
En March 2010
C'était le printemps
Ref 254.14a

Hier matin, rue Bonaparte, deux adolescents qui s’embrassaient vainement, et dans le bonheur.

Hier nuit, rêvé de Hannah. Nous nous retrouvons assis dans une pièce ovale avec d’autres, quelque chose de l’exposition universelle, ou d’un monde magique et complexe à la fois est présenté à la foule. Marche dans la rue, devant une vitrine de restaurant. Je suis à la fois si sûr de moi, et prêt à faire des erreurs, l’enjeux est de taille, mais si je n’y pense pas, elle verra que je suis un chic type. Je n’ai pas besoin de l’autre.

Cette nuit, rêvé de Lue. Chez ma mère, avant que nous n’habitions en face de chez nous, dans ma chambre d’enfant. Quel amour ! Nous dormons dans ma chambre, nous regardons par la fenêtre, le solitaire cèdre du Liban, venir le redoux.

Paris, le 21 fevrier 2008

De quoi tu te caches

De quoi tu te caches

À Paris
En February 2010
C'était l’hiver
Ref 248.28

Un rêve au sujet de la dette. Je suis déjà en retard pour passer prendre le colis à la boulangerie, et les piétinements impatients des gardiens et des portiers qui, pourtant, me doivent le service, et que je vais payer, me harassent et me tourmentent. Enfin parvenu à retirer le colis, je dois me diriger avec la même angoisse vers le grand hall où se déroulent les festivités de ce soir, et pour lesquelles je suis aussi en retard. Tout le monde m’attend, et H attend le contenu de ce colis; je souffle péniblement en songeant aux grandes responsabilités cérémonieuses qui ne peuvent commencer sans notre présence.

Parvenu au milieu de la foule, je dois me résoudre à ce que cette dernière certitude, qui rendait mon angoisse habitable et presque justifiée, tombe en miettes : la soirée bat son plein et je me retrouve embarrassé de tous mes efforts, soudainement devenus inutiles. L’idée que toute la pression dont j’ai été accablé au long de mes trajets soit aussi frappé d’inutilité, puisque la soirée se déroule très bien sans que je n’ai achevé aucune des tâches dont ce bon déroulement dépendait, ne parvient pas à me déculpabiliser. Je fuis le regard des musiciens et de leurs danseurs. Réfugié dans un grand amphithéâtre, accroché à mon colis absurde, pour ne pas affronter la bonté et la tendresse de Vincenzo, je vois qui s’élabore en moi l’histoire fantastique d’une vaste conspiration dont je ne serai qu’un pion, mais qui me redonne un rôle, celui de la révéler. Cette nouvelle place, qui est la mienne et que je n’ai pas choisie, apparentée au destin, meule ou atténue la hauteur sous plafond, l’angle du balancement des lustres, la cymbale des ceinturons, moi, mes responsabilités fuies des Cahiers, ces lettres en retard qui s’entassent sur des lettres, et le sens secret de ce gâteau au chocolat qui attache aux parois du colis et qu’H n’aura jamais.

September 26th 2010, The Jane, room 622, NYC

Jean Castarède

Jean Castarède

À Paris
En October 2009
C'était l’automne
Ref 234.24

Pour le second numéro des Cahiers européens de l'imaginaire, Jean Castarède, ancien directeur au ministère de la Culture, historien, avait offert une belle frise historique sur l'histoire du luxe, de Sumer à nos jours, où il écrit que le premier acte luxueux de l'humanité est un coup de peigne.
En arrivant dans le bel appartement du XVIe, je crains d'interrompre une discussion de vieux copains, qui remémore et convoque bateaux, lacs et connaissances polynymes. On m'enfonce courtoisement dans une jolie chaise, et, tout en buvant du thé, je finis par le surprendre à rire en racontant le passé. Dans ce rire, je vois la photo que j'étais venu chercher. Puis, alors que nous nous saluons, je vois le mouton noir centrifuge sur sa cravatte, et, sous l'amabilité calme qui disait au revoir, la statue puissante qui guette l'homme. Je tire.