De quoi tu te caches
Un rêve au sujet de la dette. Je suis déjà en retard pour passer prendre le colis à la boulangerie, et les piétinements impatients des gardiens et des portiers qui, pourtant, me doivent le service, et que je vais payer, me harassent et me tourmentent. Enfin parvenu à retirer le colis, je dois me diriger avec la même angoisse vers le grand hall où se déroulent les festivités de ce soir, et pour lesquelles je suis aussi en retard. Tout le monde m’attend, et H attend le contenu de ce colis; je souffle péniblement en songeant aux grandes responsabilités cérémonieuses qui ne peuvent commencer sans notre présence.
Parvenu au milieu de la foule, je dois me résoudre à ce que cette dernière certitude, qui rendait mon angoisse habitable et presque justifiée, tombe en miettes : la soirée bat son plein et je me retrouve embarrassé de tous mes efforts, soudainement devenus inutiles. L’idée que toute la pression dont j’ai été accablé au long de mes trajets soit aussi frappé d’inutilité, puisque la soirée se déroule très bien sans que je n’ai achevé aucune des tâches dont ce bon déroulement dépendait, ne parvient pas à me déculpabiliser. Je fuis le regard des musiciens et de leurs danseurs. Réfugié dans un grand amphithéâtre, accroché à mon colis absurde, pour ne pas affronter la bonté et la tendresse de Vincenzo, je vois qui s’élabore en moi l’histoire fantastique d’une vaste conspiration dont je ne serai qu’un pion, mais qui me redonne un rôle, celui de la révéler. Cette nouvelle place, qui est la mienne et que je n’ai pas choisie, apparentée au destin, meule ou atténue la hauteur sous plafond, l’angle du balancement des lustres, la cymbale des ceinturons, moi, mes responsabilités fuies des Cahiers, ces lettres en retard qui s’entassent sur des lettres, et le sens secret de ce gâteau au chocolat qui attache aux parois du colis et qu’H n’aura jamais.
September 26th 2010, The Jane, room 622, NYC