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Les animaux sauvages

Les animaux sauvages

En September 2010
C'était l’automne
Ref 267.3a

C’est un jeune homme noir qui raconte cette histoire dans l’herbe la nuit, le dos sur un tronc d’arbre couché, épié par nos visages attentifs. Le lent raclement de sa guitare la ponctue.

Le chasseur qui en est sujet avait d’abord frappé le singe à la tête à dessein de le tuer. Mais ne le voyant pas céder à la mort, après plusieurs heures d’indécision, il se résigna à le traîner par le bras où qu’ils aillent et quel que soit le nombre des années que compteraient leur voyage, lui faisant payer le poids du fardeau par une fière indiférence, sans doute dans l’espoir magique de l’annuler. Le Noir raconta ensuite les paysages successifs qu’ils traversèrent, et le son de sa guitare les peuplait d’oiseaux nocturnes, de levers de soleils sur les rochers des lions, de fuites pieds nus sur des plaines de mousse et de pierres vives, et la fois où il parvint à rencontrer la mer il ne joua point de notes, car le chasseur n’avait jamais vu la mer et il la contempla.

Il arriva que le singe se réveilla. Sans comprendre ni qui il était, ni ce qui l’avait mené si loin de son arbre, il leva ses yeux sur le chasseur qui le tirait, et le chasseur ne parvint à lui rendre ni la clémence qu’il l’imagina supplier, ni le détachement qui suivit et dura, et qui convenait aussi peu à une proie qu’à son chasseur. Lorsqu’ils eurent repris des forces, les pieds du singe se mirent à marcher pour accompagner la marche du chasseur, et bientôt ils partagèrent le port de leur poids. Son bras fut délivré de la ceinture qui le contraignait et, bien que pas un mot ne fut échangé pendant que les soleils se levaient et se couchaient sur leur nuque, dans les derniers paysages que le Noir décrivit, où figurèrent d’abord des dunes rectifiées par le vent et les supplications des scorpions, apparurent peu à peu des protagonistes aux visages indéchiffrables, qui ignoraient l’ombre du chasseur et s’adressaient directement au singe, et qui chaque fois nous semblèrent moins grands (comme le racontait bien le Noir !) à mesure que le singe rendait au chasseur son autonomie et les joies intimes d’une autre chasse à venir.

Paris, le 23 juin 2011

Mirò à  Beaubourg

Mirò à Beaubourg

En November -0001
C'était l’automne
Ref 53.8

le compte à régler Ca sentait le chanvre et le fusil de ut. Il m’a regardé dans les canines, j’ai vu son sourire ruisselant d’amertume, l’air déluré des hommes qui touchent au but et le couteau qu’il portait bas à la ceinture, son teint basané et son âme noire et épaisse, l’âme salie par le meurtre en gestation. Les dieux débordaient des tableaux et, dans la galerie où nous n’étions alors plus que deux, il murmura quelque blasphème. J’ai entendu citrouille et entonnoir mais il parlait de nos familles et de ma sœur, de vieilles dettes à solder. J’ai vu le témoin de mon dernier souffle, planqué sur le plat d’une échelle, il n’avait pas pu fuir avec les autres et, comme les chats, il avait cherché les hauteurs. Je ne suis pas vraiment mort, j’avais la lame dans le cœur mais le vieux Terkowsky, le gardien à l’échelle qui avait tout vu, emporterait mon fantôme dans ses histoires pour enfant, le fantôme d’un combat de musée au couteau, donné pour les dieux des tableaux dans une vieille galerie de l’Hermitage.

Sentenza, Louvre

Sentenza, Louvre

En November -0001
C'était l’automne
Ref 51.35a

Le contrat Le petit bras de la japonaise brinquebalait ses bracelets clinquants, comme si le talon de la fille, qui faisait comme des pinces au lieu des chaussures, lui faisait prendre le pavé un poignard dans le flan. Don Patrica me dit qu’il était trop tard, que tout était décidé et bien en ordre. Il me sortit l’enveloppe avec l’argent et les posa sur la table du café. Je ne comptai pas la liasse conclusive. Mais c’était pas sérieux, il avait un pignon entre les dents de devant et l’air éclairé des ivrognes qui viennent de croiser une étoile ; c’était la folie que je lisais sur son visage et que j’étais peut-être le seul client à lire. « Je connais la musique », je lui ai dis. Je me suis levé, il a cru qu’on avait un deal mais moi je voulais juste filer le train de la japonaise au cul tordu. Sous ma soutane, avec mon fusil mitrailleur, elle devinerait jamais le type qui assassinerait le Pape demain, pour une montagne de biffetons, depuis la mezzanine la plus éclairée de la Piazza San Pietro.