Les grands changements, mais aussi les calmes, les secrets et les temporaires.
2 inventions, sur la méfiance.
Dans la première, Hannah et la mère d’Hannah prennent un café. Le lieu est assez désolé pour que tout haussement de voix soit entendu, isolé et réintroduit dans d’autres discussions. J’arrive tardivement, d’un autre lieu dont je garde un bon sentiment, une énergie à la limite de l’orgueil et une ébriété tout juste assez prononcée pour me sentir libre.
Nous parlons de livres. L’une de mes phrases énerve Hannah. Plus que de dire son contenu, je me rends compte que je souhaitais sous-entendre le nombre des livres que j’ai parcouru, ce qui était une manière de dire que ce terrain m’est sensible et intime, et aussi qu’il me procure du regret. Mère et fille argumentent vivement sur cette phrase, sans comprendre que le plus important n’est pas dans ce qui a été dit, mais dans une entente confiante de ce que nous caressons et ne pouvons pas énoncer sans sentir un peu d’impiété.
Piégé, incapable d’expliquer, incapable d’argumenter, incapable de violence devant l’autorité parentale, je me lève en me mouchant et me rends aux toilettes, d’où je songe à ne ressortir qu’avec un autre visage, me coûte-t-il Hannah.Dans la seconde, après une longue soirée dans un bar, le patron, sans pour autant me le dire explicitement, m’accuse de saloperies. Des petits regards, des remarques, un ton. Avoir pris la meilleure place pour des heures, ne pas participer au climat, être venu seul. Alors que je me lève du canapé, il émiette de la main les restes de bouchon de vin et les emballages qui se sont intercalés entre les coussins. Cette fois je lui fais bien comprendre que je n’ai consommé ni vin, ni rien qui fût emballé. Mais la discorde est déjà là, le reste est prétexte. Sur le perron de la porte, il me laisse la chance d’une dernière discussion. Mais je sens que la raison ne peut plus me sauver, et, pris de peur comme à la porte d’un terrier, je lui réponds par aphorismes courts et arrogants. Manière enfantine et blessée de lui exprimer à la fois mon mépris et ma confiance en moi.
Piazza di Renzi, vendredi 24 juillet 2009