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Feiliszschstraße. Chacun son chat.

Feiliszschstraße. Chacun son chat.

En November 2009
C'était l’automne
Ref 238.5a

Dans l’appartement qui encadre ce premier tableau, se préparent les décisions déterminantes des événements qui suivront. Je ne me souviens clairement que d’une masse de monde, peut-être attendant, peut-être dansant. Certainement des filles, des amitiés abandonnées ou oubliées, des souvenirs. Une demande inattendue de Stéphanie, dont je parviens à lier étroitement la réponse avec la direction de mon destin, m’emmènera dans un long voyage à destination inconnue. Tous les lieux que je n’ai pas visités sont les mêmes lieux, comme le Maroc qui m’attend, ou le Vietnam interchangeables.

Par la portière coulissante grande ouverte de l’hélicoptère, nous survolons le Vietnam. Une main fermement accrochée à une lanière de cuir, l’autre main sur le docile Leica, je regarde l’altération du paysage. Derrière, Stéphanie parle avec un impromptu. Leur ton est le ton des comédiens qui se connaissent, qui jouent ensemble, qui se sont embrassés, aimés, hais et soupçonnés sur scène, et qui ont oublié que c’était sur scène. Ils se disent tout comme de vieux amants. Il lui parle de moi, me décrit par la négative, dit que je ne suis pas laid. Dès lors je n’aurais plus d’attention que pour le ralentissement des pales du rotor, qui me permettrait de parler à ce type, et de lui faire entendre le fond de ma voix, où se trouve qui je suis.

Dans une petite rue à la tombée de la nuit, Stéphanie et moi, enfin débarrassés du cancrelat, jouons à être amoureux. L’innéchapable regard dans le regard qui dit le contenu d’un vieux fleuve, sous les lampadaires multicolores.
Une vaste porte cochère que nous poussons par hasard ferme une sorte de pensionnat si vieux que des archéologues le parcourent en espérant. Je serre Stéphanie dans mes bras, «regarde», lui dis-je, «je vais te montrer mon secret», et nous nous envolons doucement jusqu’en haut du grand escalier.

Nombreuses aventures dans ce lieu. Un trésor pour les archéologues, un mystère en mouvement entre les murs, un jeu des masques qui révèle que chaque personnage n’est pas ce qu’il essaie d’être. J’oublierai mon chapeau blanc en sortant, et je le retrouverai plus tard, avec l’idée d’une vaste bienveillance à mon égard, car il sera neuf et plié (étrangement plié, magiquement plié) et cependant il continuera de m’aller.

Il y a les lignes de bus internes : la nuit, le 21 et le 27 qui vont chez Alice, le jour, le 21 et le 27 qui vont chez Maffesoli, le 29 et le 20 qui allaient chez Lue, le 39 et le 95 d’Eranos ; et il y a les lignes qui amènent et qui envoient les voyageurs internationaux vers les aéroports. Ces bus sont les mêmes bus, mais dans les seconds, le bronzage, les anecdotes, les valises disent que c’est déjà ou encore le voyage, et Paris qui défile est un décor, transitif comme la Pampa ou la Molise. Dans le bus, de retour à Paris, accroché par le devant à mon sac à dos, un homme me parle par dessus l’épaule des divers faits de la ville de la déstitution d'untel, du plan de conquête d'un autre, comme si, pour lui, je n’avais jamais quitté ce bus, sans respect pour mon voyage ou sans espoir que j’aie voyagé. De même que ceux de mon voyage, les plis de ce chapeau qui me va si bien sont comme si ils n’étaient jamais arrivés.

Paris, le 3 août 2008

Affronter ses erreurs

Affronter ses erreurs

En November -0001
C'était l’automne
Ref 254.31a

J’entends la petite chinoise frapper, porte après porte aux bois de l’immeuble pour demander du travail. J’allais sortir, je suis tout prêt, mais je reste debout devant la poignée sans bouger, pour éviter de la croiser, car je n’ai rien à lui offrir et pas franchement envie de devoir le lui dire. Soudainement, il n’y a pas de cadenas à ma porte. Ne serait-ce qu’en y frappant, ce qui est voué à arriver, elle la fera entrebailler, très certainement assez pour voir que je suis juste derrière.
Alors qu’elle parvient à mon étage, je cale la porte avec mon pied, en espérant pouvoir donner l’impression de fermeté, mais c’est un échec absolu. Non seulement la petite chinoise se rend compte que j’essaie péniblement de bloquer la porte, mais elle déduit aussi immédiatement que je suis planté derrière depuis un bout de temps, à me cacher, sans que mes motifs, qui sont obscurs à moi-même, ne parviennent à être percés, ni par moi, ni par la quémandeuse.
Manapany 22 janvier 2010

Every other day

Every other day

En November -0001
C'était l’automne
Ref 218.15

Je me revois appuyer contre la porte de chez elle une petite feuille de papier, et hésiter à la langue dans laquelle j’allais laisser mon message. L’idée d’avoir fait tout ce chemin et de repartir sans que personne ne le sache, ou qu’elle le sache trop tard, me revenait magiquement au même. Je me suis fait tant de soucis dès que j’ai appris sa maladie, c'était à en creuver. Pendant le voyage, les souvenirs de ses problèmes aux yeux, de sa bosse apparue sans raison, de son asme, de ses allergies, de toutes les choses qui lui arrivaient tout le temps et la conduisaient chez les médecins avaient un peu atténué le sentiment d’urgence. Et maintenant que je me tenais là, c’était comme si je n’y croyais plus. «Je n’ouvrirai pas la porte», pensai-je, «pour trouver ma place dans sa trêve sordide et insensée, mais je suis venu, j’ai été fidèle à moi-même». C’est à ce moment là que Wolfgang me surprit.
On n’annonça pas mon arrivée, mais, en longeant le couloir de l’appartement, je repris peur. C’était donc vrai, elle avait été frappée par une maladie incurable. Je vis immédiatement les symptômes de cette maladie : Hannah avait été rétrécie à moins de 20cm, une toute petite merveille parfaitement proportionnée, mais de la taille d’un livre. «Il doit y avoir un remède», lui dis-je, en songeant alarmé à la relation qui nous attendait, pleine de déséquilibres de poids, de forme et de force. «Non, il n’y en a aucune» répondit-elle. Mais, au travers de l’affirmation médicale, j’entendis un bonheur étrange. En la regardant se mouvoir dans une maison en tout petit avec des petits canapés et une petite télé et une petite thériere avec un chauffe plat petit, qu’elle s’était construit avec une vitesse suspecte, je compris que cette nouvelle certitude, qu’aucune relation équilibrée n’était désormais possible, était précisément ce qui la rendait légère et libre de l’échec.
Paris, perdu au mois de janvier

Le bel amour

Le bel amour

En November -0001
C'était l’automne
Ref 197.6a

Après des années de voyage, et des années de couple, je me suis aperçu que ma manière d’aimer était de chérir ceux qui s’éloignaient et qui, pensai-je, avaient besoin de moi, ou qui me regardaient moins, souvent au mépris de ceux qui sont tout proches, me donnent leur amour ou attendent que j’accepte le leur, et dont je m’évade.
Il y eut un jour à Ouarzazate où j’écrivis une lettre pour Munich, à une femme qui était en face de moi, qui ne me fit pas le don de son amour, ne vit pas le mien et par cela même me ressemblait terriblement.
Rome, Pace, le 24 octobre 2008