Les témoins
C'était l’été
Dans la librairie du forum de Saint Gratien, Lue et moi fouillons les images et les cahiers à colorier. Un homme passe, qui me fait penser à mon père, qui pourrait bien être lui finalement, et qui me fait assez de signes pour que je craigne le pire.
J’essaie de le mener à l’écart pour lui parler, sans que Lue ne le voie. Plus loin sur la place, nous avons une explication d’homme à homme. Il est clair, lucide, un peu abîmé par le voyage et l’enchaînement des paysages. Il mentionne une adresse, ce qui m’étonne au plus haut point. Je ne parviens pas à m’en souvenir maintenant que j’écris ces lignes.
Aucune de ses explications, pas une de ses histoires ne vainc mon refus. Il reste un homme hors de tout espoir de vie commune. Une longue liste d’événements et de négociations inabouties suivirent. Nous nous acceptâmes finalement, ce que j’avais secrètement désiré depuis le début, mais que je ne parvenais pas à réaliser. L’artisane de cette acceptation mutuelle, de la paix d’avec moi même, la petite Lue aux yeux de qui tant de fois j’avais voulu cacher cette déchéance, nous regardait tout ce temps de derrière les prolixes figures des cahiers de coloriage.
Paris, le 28 juillet 2008