Claire Bardainne
Je regarde par le viseur du fidèle Leica. Il y a le cadre lumineux, qui trace les limites du 50mm, et le viseur à coïncidence au milieu, un peu plus clair et si précis, qui me dit à quelle distance je me trouve de ce que je cherche.La scène qui se déroule devant moi est très sombre, ou embrouillée. Je ne sais pas encore ce que je vise, mais, petit à petit, selon leur habitude, certaines formes se mettent à briller, je sens qu'il faut aller plus à gauche, ou m'approcher plus près, aller sous une lumière oblique. Mais, malgré tous mes efforts, je ne vois pas mieux ce que je vise, et je finis par me demander si ce n'est pas tout simplement le télémètre qui est sale, et qui brouille tout. Pour en avoir le coeur net, j'écarte mon œil (mon œil a perdu un peu de son acuité à force de viser, il lui faut une seconde pour faire le point sur l'oeilleton de l'appareil) et effectivement, avec un peu de distance, je vois mieux ce qu'il y a au travers du viseur.Mais je ne suis pas réellement satisfait, car, au travers du viseur, la scène que l'appareil voit représente le viseur, un peu caché par une tête qui vient de s’en écarter, et que j'ai rarement l'occasion de voir de derrière. Tout était noir, bien sûr, bien sûr, parce que ma tête était devant le viseur qui visait ma tête. Il faudra donc se résoudre à ce que le viseur voie ce que mon œil voit, ou plutôt, à ce qu’il n'y a jamais eu d'appareil photographique.
Paris, le 22 octobre 2007