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MuseumsQuartier

MuseumsQuartier

À Wien
En May 2008
C'était le printemps
Ref 194.32

Dans cette maison raisonnablement trop petite, nous vivons à quatre, Marie et ses deux enfants, Lucio et Robin, et moi. On respire mal, tout le monde voit tout, certaines choses du quotidien sont rationalisées, pour éviter les déchets ménagers.

Marie travaille tôt, elle se lève et s’habille, nous la regardons désespérés de dormir. Ses enfants sont plus dociles que moi ; je me plaints. Le pire moment arrive lorsque je dois absolument utiliser les toilettes. Je voudrais que personne n’entende les bruits, et lorsqu’il est trop tard je me cache sous une serviette en prétendant que ceux que je ne vois pas ne me voient pas.

Un autre moment, je trouve une bille étrange dans mon gros orteil, une sorte de cellule ronde et jaune avec un oeil foncé, qui se déplace d’elle même, sans suivre les mouvements du sang. Autour, des récifs de coraux qui s’ébrouent, des petites moussent qui jaunissent. Je ressens une inquiétude grandissante face à ce phénomène, mêlé de la volupté sadique qu’un acte de chirurgie est inévitable. Dans ce petit appartement serré, je sais que les aiguilles et le briquet ne sont déjà pas loin les uns des autres.

Manosque, le 10 août 2008

Le Roi

Le Roi

À Wien
En May 2008
C'était le printemps
Ref 194.19

Rêve de Vincenzo : «Dieu n’aime pas écrire avec le crayon».

Paris, le 26 septembre 2008

Les vieilles dettes

Les vieilles dettes

À Wien
En May 2008
C'était le printemps
Ref 194.17

Sarah, au détour d’un kiosque à journaux. Je parviens à ce que ni elle ni moi ne puissions nous avouer que nous nous évitons. Elle pleure. Les vieilles dettes.

Paris, le 7 août 2008.

La mélodie du bonheur

La mélodie du bonheur

À Wien
En May 2008
C'était le printemps
Ref 193.19

Flûte, j’ai invité à la fois Hannah et Vanina à la même soirée. Plus une centaine d’autres personnes dont ma mère, mes cousins (que je n’ai jamais vu sous leur forme adulte) et les fantômes de mon enfance. Nous faisons une grande célébration dans le jardin tout à la fois de la maison de la petite rue Arnstein à Vienne et de ma tante Nelly, où il y a une cage dans le mur pour le chien, fermée par une porte verte. Hannah est plus petite, noircie par endroits seulement, son sang est corrompu, un peu mexicain.

- Quel dommage dit-elle, à l’époque où nous nous sommes rencontrés je t’aimais et tu m’aimais.

- Tu m’aimais ? dis-je étonné ?

Avec avidité, d’abord, je bois sa réponse, mais rapidement les phrases trop longues, à la forme passive et peuplées de métaphores qui la composent, avec des sujets inversés et un habille système de citations, me font comprendre, malgré le bruit des enfants, que ce ne peut pas être Hannah qui parle ; personne d’autre que mvd ne pourrait rêver aussi mal cette marionnette insondable.

Vienne, le 28 avril 2008

Das Schloß im Himmel

Das Schloß im Himmel

À Wien
En April 2008
C'était le printemps
Ref 191.22

Finalement, j’accepte de voir un psy pour ce petit problème. C’est une maison calme, plate, avec un jardinet à l’américaine devant et un chemin qui mène à la porte. Par la fenêtre on peut voir la salle d’attente. Dans la salle d’attente, il y a la porte de bois derrière laquelle se déroulent les consultations.

J’attends un peu, assis sur la banquette en moleskine marron, puis je m’ennuie et je décide de faire un tour dans le jardin. Je vois alors pas la fenêtre que la salle d’attente est en flammes. Je rentre en courant et je prends l’extincteur. Le feu est très vif, comme un feu d’alcool dans une poêle où on cuit des gambas. Très vif, très haut, mais très localisé. Il s’éteint facilement, mais je me rends compte que j’ai eu de la chance, parce qu’il a pris exactement à l’endroit où j’étais assis. Par suspicion, je vérifie mon caleçon, et je vois qu’il est un peu brûlé lui aussi.

De colère, je frappe à la porte de la psy, qui refuse d’ouvrir sous le vague prétexte d’une consultation en cours. Alors je vais au fond de la salle d’attente, je dégage la neige carbonique de dessus la banquette, je m'assieds une seconde, plein de conviction, je me relève aussi vite, j’ouvre la porte de la psy sans rien demander, et je la mets en face de son imprudence : la réaction physique qui se produit entre la banquette de moleskine et mon caleçon, et qui vient de recréer du feu dans sa salle d’attente.

Casa san pietro, 29 Août 2007

Längenfeldgasse

Längenfeldgasse

À Wien
En March 2008
C'était le printemps
Ref 190.35a

Nous marchions sur un pont très long, qui recouvrait la mer, mais dont les deux côtes qu'il reliait étaient si éloignées, qu'il semblait tout aussi bien ne relier rien à rien, et être une route sur l'eau.

Sur les côtés s'enfilaient des panneaux de métal sur lesquels on affiche les photographies des candidats aux communales, mais ils étaient encore vierges. Je pointais une sorte de télécommande sur la surface plane et métallique des panneaux, la première fois je leur ai transmis un ordre (tout les panneaux étaient reliés : transmettre l'ordre à l'un était le transmettre à tous), puis la télécommande cessa de fonctionner. Nous n'avons pas deux chances pareilles, semble-t-il.

Tu flânais. Dans un autre rêve, d'autres panneaux, plantés dans une plaine, figuraient des oeuvres de toi. Au dessus des panneaux de ce rêve-ci, il y avait des inscriptions. L'une d'elle était "9 loups".

Paris, le 17 mars 2008

Le loup dans la bergerie

Le loup dans la bergerie

À Wien
En March 2008
C'était le printemps
Ref 189.10

Au 34 de l’avenue Foch, chez mes grands parents, dans ma jeunesse, autour des tapis velus et des portes de bois, Sylvain et moi retrouvons un étrange personnage, désormais propriétaire légitime des lieux. Je suis curieux, j’aimerais savoir ce qu’il fait vivre à ces couloirs où j’ai volé des chocolats, à ces décorations sur les tapis où j’ai joué à la petite voiture, à ces vitrines pleines des papiers de mon grand père que je n’osais pas nettoyer.

Le personnage nous accueille avec entrain, nous avons toute confiance en lui. Il est assis obliquement sur l’un des fauteuils de cuir vert où est mort mon grand père, sa jambe dépasse de l’accoudoir, il est chez lui. Sur le sourire de sa compagne, qui se tient debout à quelque distance, on lit l’inverse de la révolte, et du plaisir. Elle joint ses mains sur le devant d’une blouse grise.

L’interrogatoire commence. Avez-vous scellé l’autre chambre, où vécu jusque ses 97 ans Mémé Suzanne ? Qu’avez-vous pensé des lits dépliables de la chambre du fond, déguisés en armoire ? Et cette petite table ronde du salon, d’où sortent des tablettes bordées de cuir vert, l’utilisez-vous réellement ?

Dans les réponses du personnage, qui me satisfont toutes, se trouve aussi une insinuation plus ample, et dans sa bouche, les mots les plus quotidiens s’accompagnent d’une suspicion philosophique. Je me laisse entraîner par cette belle pensée, et nous débattons de choses, dont les occupations serviles de sa compagne, au sujet desquelles, encore une fois, je suis tout à fait satisfait.

Soudain, Sylvain fronce les sourcils. L’une des hypothèses du personnage, qui pourtant est unanime, affirme l’exact inverse de ce qu’une autre hypothèse, également unanime, soutenait il y a quelques minutes, et à laquelle nous nous étions évidemment ralliés. Je nous sens incertains, à devoir choisir entre la défense d’une intégrité de pensée qui nous a visiblement déjà échappé, et l’approbation de notre hôte.

Nos premières contestations, dont nous nous rassurons en pensant qu’elles éveilleront l’intérêt d'un personnage si élégant pour la contradiction, ou la beauté d'un esprit honnête, le laisse en fait parfaitement froid. Sylvain et moi ne sommes sans doute déjà plus là, à la pensée de ce gentleman autonome. Ses idées s’enchaînent et contredisent successivement l’idée précédente, la thèse d’un fameux philosophe qu’il prétendait admirer, l’idée suivante, les choses auxquelles tu crois le plus sincèrement du monde et l’hypothèse de notre propre présence.
Il est trop tard. Tout ce que nous possédions de plus certain est passé sous l’ingrat scepticisme de cette homme. Rien de ce que nous pouvons dire ne pèse plus ; ni notre coeur, ni nos arguments, ni l’écoute silencieuse que nous lui avons offert ne le touche. A l’évocation des thèses les plus dangereuses, nous tentons de saisir la conscience de sa compagne, mais nous voyons à son air d’approbation paisible qu’il y a longtemps que son esprit vagabonde indifféremment d’une chose à l’autre, que son amour tout entier et son admiration vont à celui qui nous parle. Et peut-être même qu’elle a cherché cet homme, elle l’a longtemps cherché avant de s’endormir, que cet homme n’est que le personnage de ses désirs les plus intimes, et qu’avant lui d’autres ont trôné sur ce siège, à faire les mêmes choses, à les dire moins bien.

(dans la même nuit d'hier, vu Lue en compagnie par hasard, hétérotélie chez Sarah et oublié le Leica en laissant un lieu, pour la première fois de ma vie, chez Charlie.)

Paris, le 16 mars 2008

Ferme les yeux, et fais-les disparaître.

Ferme les yeux, et fais-les disparaître.

À Wien
En November -0001
C'était l’automne
Ref 196.14a

La nuit m’a dit que je me baignais sous une touffeur de saules, à un lac sur le chemin de la montagne. Certains de mes amis disparurent. J’en retrouvai d’autres, venus de Vienne. La suspicion me porta l’idée d’une conspiration plus vaste que ne le laissait penser la réclusion du lac. Nous avons décidé de fuir, ce qui força les kidnappeurs à nous pourchasser, donc à se faire voir. Je ne sais si nous devions prendre le fait qu’ils fussent des autochtones, des hommes de la montagne qui grimpent, qui courent et qui parlent avec les pierres, comme une bonne nouvelle.
Lorsqu’ils nous eurent tous attrapés, ils nous présentèrent à leur dieu, qui était une sorte de gallinacé éphémère et perpétuel, dont ils vénéraient l’acte de bouillir. Le Dieu se dépoitraillait et montrait ses os obscurs, parcourus par l’eau qu’il portait à ébullition, puis il projetait cette eau, probablement miraculeuse et divine, par le bec. Enfin, ses os fondaient sous l’effet de la vapeur et le Dieu mourait du simple fait d’avoir prouvé qu’il était Dieu, afin qu’on mît un nouveau gallinacé sur le laraire, à qui l’on promettait la mort s’il n’était pas le Dieu, en attendant qu’il condescende bientôt au dernier ébrouement.
Je dois prendre ma décision de partir vivre ou non pour San Francisco aujourd’hui. La nuit porte conseil mais, comme Jésus et les gauchos, elle parle toujours en parabole pour ne pas se compromettre.
Paris, le 24 juin 2008.

Allez, dis !

Allez, dis !

À Wien
En November -0001
C'était l’automne
Ref 195.33a

Mon nouveau chat est blanc, minaud, aux yeux jaunes, petit, très féminin. Il marche et s’arrête sagement, et garde silencieusement le secret du nom de l’homme qui porte en lui le mal. Personne ne connaît cet homme, peut-être cet homme lui-même ne sait-il pas quelle tâche et quelle charge pèsent sur ses épaules, et quelle convoitise attise son nom. Comme chacun, en regardant mon chat éternel et silencieux, je conjecture. Afin de se cacher totalement, peut-être que le mal s’est incarné dans un homme vivable, ni trop doux, ni trop coléreux. Fatigué, afin qu’on cesse de le chasser, peut-être vivra-t-il à jamais dans des enveloppes comme celles-ci. Je le sais pas, mais mon chat le sait.
Il est si beau que je regrette qu’il ne soit pas entièrement une femme. Ses yeux surtout, ont des propriétés fantastiques qui le rendent incroyablement convoitable, et me portent l’angoisse de la perte et du vol. Il peut faire se rejoindre ses yeux en un large et unique regard, où se baladent ses pupilles. Alors que je joue dans le bassin avec des bateaux miniatures, lui se permet des expressions inédites et divines. Je crois parfois qu’il me parle, mais il ne me révèle rien par la parole.
Ensuite, je vois une femme courir sur un tapis de jogging, puis une forme rapide et vicieuse lui entrave les mains et une roue dentelée de la taille d’un sofa lui racle le crâne jusqu’à la mort. Cette image n’a aucun lien ni avec ma vie, ni avec rien que je connaisse. Je sais que c’est, contrairement au reste, un don de mon chat.
Rome, via dei Sabelli, le 25 octobre 2005

Fin de soirée dans la petite rue Arnstein

Fin de soirée dans la petite rue Arnstein

En November -0001
C'était l’automne
Ref 189.8

Grasse matinée. Je sens que je flotte, tous les coins de mon lit sont hospitaliers. Venue en rêve, cette phrase exacte : « je suis le porte-parole ardent de cette flatterie sensuelle qu’est la capitainerie ».
Sans doute que le mot «flotterie», que je ressens, devient le mot «flatterie», voire «flatterie sensuelle». C'est de ma lecture viennoise de Bachelard que sera revenue la rêverie du flottement, cette lenteur de la pensée du fleuve, le radeau, la barque, une certaine amitié indifférente de l'onde. Et la péniche qui nous conduisit la semaine dernière jusqu’à la Marne, pour savoir si je vais vivre et travailler à San Francisco cet automne, m’aura apporté l’invention, ou la question quant à ce que ferai dans ma vie, du capitaine.
Paris, le 30 juin 2008