Now
Season
Le Roi

Le Roi

À Wien
En May 2008
C'était le printemps
Ref 194.19

Rêve de Vincenzo : «Dieu n’aime pas écrire avec le crayon».

Paris, le 26 septembre 2008

Les vieilles dettes

Les vieilles dettes

À Wien
En May 2008
C'était le printemps
Ref 194.17

Sarah, au détour d’un kiosque à journaux. Je parviens à ce que ni elle ni moi ne puissions nous avouer que nous nous évitons. Elle pleure. Les vieilles dettes.

Paris, le 7 août 2008.

La mélodie du bonheur

La mélodie du bonheur

À Wien
En May 2008
C'était le printemps
Ref 193.19

Flûte, j’ai invité à la fois Hannah et Vanina à la même soirée. Plus une centaine d’autres personnes dont ma mère, mes cousins (que je n’ai jamais vu sous leur forme adulte) et les fantômes de mon enfance. Nous faisons une grande célébration dans le jardin tout à la fois de la maison de la petite rue Arnstein à Vienne et de ma tante Nelly, où il y a une cage dans le mur pour le chien, fermée par une porte verte. Hannah est plus petite, noircie par endroits seulement, son sang est corrompu, un peu mexicain.

- Quel dommage dit-elle, à l’époque où nous nous sommes rencontrés je t’aimais et tu m’aimais.

- Tu m’aimais ? dis-je étonné ?

Avec avidité, d’abord, je bois sa réponse, mais rapidement les phrases trop longues, à la forme passive et peuplées de métaphores qui la composent, avec des sujets inversés et un habille système de citations, me font comprendre, malgré le bruit des enfants, que ce ne peut pas être Hannah qui parle ; personne d’autre que mvd ne pourrait rêver aussi mal cette marionnette insondable.

Vienne, le 28 avril 2008

Burgenland

Burgenland

En April 2008
C'était le printemps
Ref 193.37

Sur ces collines vertes et l’enchevêtrement de talus qui inquiète les plaines règne une idée intraduisible d’ouragan. Par la fenêtre de la maison, Hannah s’ébroue sur des motifs insondables. Elle ne sortira pas. C’est important aujourd’hui qu’elle déplace le plus grand nombre possible de ces longues tiges en bois qui aboutissent à un hémisphère creux, et que les marocains appellent cuillers. Moi je sors, je veux voir l’ouragan.
Lue est assise sur une bosse, aventurière et naturelle. Comme aux portes du Sahara, le sable se soulève du sol abruptement, parfois en lames successives, parfois en tranches opposées. Si deux nuages s’opposent rapidement, je fais très attention à la formation imminente d’une de ces petites tornades que j’ai vues s’en aller dans les plaines rouges où les chèvres escaladeuses de buisson mâchouillent les arganiers pour en tirer de l’huile insaponifiable, et dans l’oeil desquelles je n’ai pas réussi à me fourrer. L’une de ces petites tornades fonce sur moi, mais je parviens à l’éviter en me projetant vers l’arrière. L’aise avec laquelle nous conversons, le Leica et moi, me permet même de la prendre en photo. Une autre s’arrête juste derrière Lue, et en cessant de tourbillonner redevient un enfant, les bras écartés et les paumes plates. Je comprends leur circulation mutine, Lue les cheveux dans le vent.
Bien sûr, ce n’est pas facile d’avoir Lue ici, et Hannah qui m’attend avec les cuillers à la maison. Mais je dois rentrer aider Hannah. «Un bain avec toi» m’avait-elle promis.
En tentant de lui ôter les manches brillantes de son pullover noir, je me heurte à son visage. Hannah se renfrogne et derrière le plis de dessus sa bouche je saisis une prophétie intraduisible d’ouragan.
Paris, le 9 septembre 2008

Alte Donau

Alte Donau

À Wiesn
En April 2008
C'était le printemps
Ref 193.29

De l’autre côté de la vallée, il y a une longue prairie et une pente douce. Le malheur qui touche la vallée ne touche pas la prairie, mais le vaste ciel bleu les relie secrètement.
J. m’avait appelé le matin précédent. Je venais à peine de me réveiller, dans une chambre copieuse d'ailleurs, avec des draps bleus et épais et les fenêtres grandes ouvertes. Dehors il pleuvait si fort que les rideaux absorbant l’eau ruisselaient sur le sol. Au téléphone, J. me dit « pourquoi voulais-tu dormir avec moi hier soir ? », mais je n’ai pas reconnu sa voix car j’étais encore ensommeillé. Elle était aussi plus gaie et moins secrète. Je démêlai qu’après une série d’épreuves, J. allait mieux, et que nous pouvions désormais discuter des égratignures du passé. Pour la rejoindre, j’ai laissé cette belle maison, et Valentina, entourée de quelques italiennes, qui jouaient fantastiquement avec des panneaux de bois.
De mon côté de la vallée, la pente de la prairie grimpe jusqu’au ciel bleu. Sur les côtés des cailloux, il y a de hauts panneaux publicitaires, figurant des paysages abstraits et radieux, qui sont les oeuvres de J. C’est pratiquement une montagne tant l’air est pur et transparent.
La voilà qui m’attend devant la voiture. Nous roulons amicalement l’un à côté de l’autre, moi sur la place du mort, elle au volant. Une seule chose déparie cette J. rêvée de celle que j’ai rencontrée : elle a les cheveux rouges. Elle porte aussi une frange. Ou plutôt deux, ce qui enflamme ma curiosité. Je passe sur la banquette arrière pour regarder cette autre frange, derrière la tête d’une fille.
Paris, 29 janvier 2008

Das Schloß im Himmel

Das Schloß im Himmel

À Wien
En April 2008
C'était le printemps
Ref 191.22

Finalement, j’accepte de voir un psy pour ce petit problème. C’est une maison calme, plate, avec un jardinet à l’américaine devant et un chemin qui mène à la porte. Par la fenêtre on peut voir la salle d’attente. Dans la salle d’attente, il y a la porte de bois derrière laquelle se déroulent les consultations.

J’attends un peu, assis sur la banquette en moleskine marron, puis je m’ennuie et je décide de faire un tour dans le jardin. Je vois alors pas la fenêtre que la salle d’attente est en flammes. Je rentre en courant et je prends l’extincteur. Le feu est très vif, comme un feu d’alcool dans une poêle où on cuit des gambas. Très vif, très haut, mais très localisé. Il s’éteint facilement, mais je me rends compte que j’ai eu de la chance, parce qu’il a pris exactement à l’endroit où j’étais assis. Par suspicion, je vérifie mon caleçon, et je vois qu’il est un peu brûlé lui aussi.

De colère, je frappe à la porte de la psy, qui refuse d’ouvrir sous le vague prétexte d’une consultation en cours. Alors je vais au fond de la salle d’attente, je dégage la neige carbonique de dessus la banquette, je m'assieds une seconde, plein de conviction, je me relève aussi vite, j’ouvre la porte de la psy sans rien demander, et je la mets en face de son imprudence : la réaction physique qui se produit entre la banquette de moleskine et mon caleçon, et qui vient de recréer du feu dans sa salle d’attente.

Casa san pietro, 29 Août 2007

Längenfeldgasse

Längenfeldgasse

À Wien
En March 2008
C'était le printemps
Ref 190.35a

Nous marchions sur un pont très long, qui recouvrait la mer, mais dont les deux côtes qu'il reliait étaient si éloignées, qu'il semblait tout aussi bien ne relier rien à rien, et être une route sur l'eau.

Sur les côtés s'enfilaient des panneaux de métal sur lesquels on affiche les photographies des candidats aux communales, mais ils étaient encore vierges. Je pointais une sorte de télécommande sur la surface plane et métallique des panneaux, la première fois je leur ai transmis un ordre (tout les panneaux étaient reliés : transmettre l'ordre à l'un était le transmettre à tous), puis la télécommande cessa de fonctionner. Nous n'avons pas deux chances pareilles, semble-t-il.

Tu flânais. Dans un autre rêve, d'autres panneaux, plantés dans une plaine, figuraient des oeuvres de toi. Au dessus des panneaux de ce rêve-ci, il y avait des inscriptions. L'une d'elle était "9 loups".

Paris, le 17 mars 2008

Le loup dans la bergerie

Le loup dans la bergerie

À Wien
En March 2008
C'était le printemps
Ref 189.10

Au 34 de l’avenue Foch, chez mes grands parents, dans ma jeunesse, autour des tapis velus et des portes de bois, Sylvain et moi retrouvons un étrange personnage, désormais propriétaire légitime des lieux. Je suis curieux, j’aimerais savoir ce qu’il fait vivre à ces couloirs où j’ai volé des chocolats, à ces décorations sur les tapis où j’ai joué à la petite voiture, à ces vitrines pleines des papiers de mon grand père que je n’osais pas nettoyer.

Le personnage nous accueille avec entrain, nous avons toute confiance en lui. Il est assis obliquement sur l’un des fauteuils de cuir vert où est mort mon grand père, sa jambe dépasse de l’accoudoir, il est chez lui. Sur le sourire de sa compagne, qui se tient debout à quelque distance, on lit l’inverse de la révolte, et du plaisir. Elle joint ses mains sur le devant d’une blouse grise.

L’interrogatoire commence. Avez-vous scellé l’autre chambre, où vécu jusque ses 97 ans Mémé Suzanne ? Qu’avez-vous pensé des lits dépliables de la chambre du fond, déguisés en armoire ? Et cette petite table ronde du salon, d’où sortent des tablettes bordées de cuir vert, l’utilisez-vous réellement ?

Dans les réponses du personnage, qui me satisfont toutes, se trouve aussi une insinuation plus ample, et dans sa bouche, les mots les plus quotidiens s’accompagnent d’une suspicion philosophique. Je me laisse entraîner par cette belle pensée, et nous débattons de choses, dont les occupations serviles de sa compagne, au sujet desquelles, encore une fois, je suis tout à fait satisfait.

Soudain, Sylvain fronce les sourcils. L’une des hypothèses du personnage, qui pourtant est unanime, affirme l’exact inverse de ce qu’une autre hypothèse, également unanime, soutenait il y a quelques minutes, et à laquelle nous nous étions évidemment ralliés. Je nous sens incertains, à devoir choisir entre la défense d’une intégrité de pensée qui nous a visiblement déjà échappé, et l’approbation de notre hôte.

Nos premières contestations, dont nous nous rassurons en pensant qu’elles éveilleront l’intérêt d'un personnage si élégant pour la contradiction, ou la beauté d'un esprit honnête, le laisse en fait parfaitement froid. Sylvain et moi ne sommes sans doute déjà plus là, à la pensée de ce gentleman autonome. Ses idées s’enchaînent et contredisent successivement l’idée précédente, la thèse d’un fameux philosophe qu’il prétendait admirer, l’idée suivante, les choses auxquelles tu crois le plus sincèrement du monde et l’hypothèse de notre propre présence.
Il est trop tard. Tout ce que nous possédions de plus certain est passé sous l’ingrat scepticisme de cette homme. Rien de ce que nous pouvons dire ne pèse plus ; ni notre coeur, ni nos arguments, ni l’écoute silencieuse que nous lui avons offert ne le touche. A l’évocation des thèses les plus dangereuses, nous tentons de saisir la conscience de sa compagne, mais nous voyons à son air d’approbation paisible qu’il y a longtemps que son esprit vagabonde indifféremment d’une chose à l’autre, que son amour tout entier et son admiration vont à celui qui nous parle. Et peut-être même qu’elle a cherché cet homme, elle l’a longtemps cherché avant de s’endormir, que cet homme n’est que le personnage de ses désirs les plus intimes, et qu’avant lui d’autres ont trôné sur ce siège, à faire les mêmes choses, à les dire moins bien.

(dans la même nuit d'hier, vu Lue en compagnie par hasard, hétérotélie chez Sarah et oublié le Leica en laissant un lieu, pour la première fois de ma vie, chez Charlie.)

Paris, le 16 mars 2008

Fin de soirée dans la petite rue Arnstein

Fin de soirée dans la petite rue Arnstein

En February 2008
C'était l’hiver
Ref 189.8

Grasse matinée. Je sens que je flotte, tous les coins de mon lit sont hospitaliers. Venue en rêve, cette phrase exacte : « je suis le porte-parole ardent de cette flatterie sensuelle qu’est la capitainerie ».
Sans doute que le mot «flotterie», que je ressens, devient le mot «flatterie», voire «flatterie sensuelle». C'est de ma lecture viennoise de Bachelard que sera revenue la rêverie du flottement, cette lenteur de la pensée du fleuve, le radeau, la barque, une certaine amitié indifférente de l'onde. Et la péniche qui nous conduisit la semaine dernière jusqu’à la Marne, pour savoir si je vais vivre et travailler à San Francisco cet automne, m’aura apporté l’invention, ou la question quant à ce que ferai dans ma vie, du capitaine.
Paris, le 30 juin 2008