Le grand éboulement
Une grande partie de volley-ball se décide, mais tourne à la balle aux prisonniers, à cause du nombre d’hommes qui nous accompagnent, et du devoir de les occuper.
Deux armées se forment, rassemblant tout ce que je connais d’amis de mon côté, et de figures douteuses ou inconfirmées de ma jeunesse dans l’armée opposée. La première passe est facilement remportée grâce à mon adresse tactique et la revanche s’annonce fielleuse. Je donne mes ordres. A chacun de marquer les lieutenants adverses. Attention à la répartition des gabarits et des poids. Certaines masses sont menteuses, elles sont remplies de pions rapides qui nous déborderons à la première erreur de l’orgueil.
Je ne comprends pas leur stratégie : ils nous laissent avancer à eux. Cela nous prend des jours parmi le désert. Par la jumelle, je les vois immobiles sur leurs remparts se protéger du sable. J’ordonne à notre dernière ligne de retenir les bases, mais je ne peux pas me permettre d’arrêter l’avancée, ils verraient que je doute de la victoire. Seulement je ralentis le pas, en divisant sa vitesse par deux, puis de nouveau par deux, et ainsi infiniment, comme dans les paradoxes de Zénon, qui prouvent que le mouvement n'existe pas.
Nous arrivons à portée de tir après une éternité. La cavalerie, qui était mon arme secrète (même moi j’avais oublié qu’il y avait une cavalerie à la balle au prisonnier) enjambe ma garde personnelle et fonce sur l’ennemi. La cavalerie adverse se mêle à la mienne. C’est la panique. Nous sommes bien trop nombreux. Je me retrouve à errer parmi les nuages de sable avec un simple pistolet, et lorsqu’enfin je parviens à me poster juste derrière leur Général, fermement décidé à lui lâcher une balle dans le crâne, pour effectuer ce que je suis persuadé d’être un grand geste militaire, je me rends compte que leurs armures fossiles sont vides, et que nous avons perdu beaucoup de temps à réfléchir au lieu de jouer à cette putain de balle aux prisonniers.
Sur le champs de bataille, je regarde tristement mes hommes mourir, décimés par la cavalerie de fantômes qu’anime une colère sans fin, bien décidée à nous faire payer leurs siècles de toile d’araignée.
Paris, le 11 janvier 2008
(Grande période de fatigue. Joue de la guitare plus doucement, sans médiator, dans les toilettes qui sont petites et humides, le son est plus océanique.)