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Recherche de couleur #1

Recherche de couleur #1

À Roma
En October 2009
C'était l’automne
Ref 234.29

Il y a encore quelque chose d’amusant à jeter de l’eau froide sur les murs de mon couloir, et sur le carrelage blanc : la fumée, le bruit de la vapeur qui se condense par endroits, l’alternance de flaques et de lieux secs révèlent l’avancée secrète, par le dessous et par les flancs, de l’incendie qui condamne mon immeuble, rue Rameau.

Beaucoup de mes amis sont venus voir ça. Le devenir de cet appartement ne nous indiffère pas. Par naturel optimiste, par aveuglement, nous avons tous une grande confiance que l’appartement soit épargné, ce qui nous permet de nous asseoir. De l’autre côté de la fenêtre, d’autres fumées indiquent d’autres drames, et la multitude des incendies dilue encore plus la fatalité qui s’était abattue sur nous. Nous en alimentons notre espoir. Avant que les pompiers n’arrivent, je me dis même, en voyant le feu indifférent qui s’échappe de la porte d’en face, que, un peu plus tard dans le rêve, nous pourrions récupérer cet appartement et nous agrandir. La brutalité de la lumière qui s’encadre dans le chambranle de la voisine, les effusions projetées qui changent de formes en roulant jusqu’à nos pieds, qui prennent des visages barbus et des visages glabres, ce spectacle va dans le Leica. Comme à la neige, cependant, je ne suis pas sûr de mon «couple» ; c’est la première fois que je prends du feu en photo.

Les conclusions des pompiers sont plutôt encourageantes. «Il y a peu de chances, dit l’un avec ambiguïté, que vous ne puissiez habiter ici avant quelques mois». Mais bientôt nous devons nous résigner à choisir, parmi tous les objets de la maison, ceux qui seront sauvés, et ceux que nous ne retrouverons plus, car il est devenu certain que tout brûlera. C’est un choix simple, où je trouve même une certaine joie du changement, à part pour les livres, qu’il est impossible de favoriser et de dénigrer. «Je ne suis plus un mendiant, j’irai chez Lue, ou ils referont l’appartement» pensé-je, malgré la tristesse opaque qui me remplit, pour rejoindre quelque lieu meilleur, de devoir en laisser un.

Rome, via dei sabelli, le 25 octobre 2005

Jean Castarède

Jean Castarède

À Paris
En October 2009
C'était l’automne
Ref 234.24

Pour le second numéro des Cahiers européens de l'imaginaire, Jean Castarède, ancien directeur au ministère de la Culture, historien, avait offert une belle frise historique sur l'histoire du luxe, de Sumer à nos jours, où il écrit que le premier acte luxueux de l'humanité est un coup de peigne.
En arrivant dans le bel appartement du XVIe, je crains d'interrompre une discussion de vieux copains, qui remémore et convoque bateaux, lacs et connaissances polynymes. On m'enfonce courtoisement dans une jolie chaise, et, tout en buvant du thé, je finis par le surprendre à rire en racontant le passé. Dans ce rire, je vois la photo que j'étais venu chercher. Puis, alors que nous nous saluons, je vois le mouton noir centrifuge sur sa cravatte, et, sous l'amabilité calme qui disait au revoir, la statue puissante qui guette l'homme. Je tire.

Les témoins

Les témoins

En August 2009
C'était l’été
Ref 232.23

Dans la librairie du forum de Saint Gratien, Lue et moi fouillons les images et les cahiers à colorier. Un homme passe, qui me fait penser à mon père, qui pourrait bien être lui finalement, et qui me fait assez de signes pour que je craigne le pire.
J’essaie de le mener à l’écart pour lui parler, sans que Lue ne le voie. Plus loin sur la place, nous avons une explication d’homme à homme. Il est clair, lucide, un peu abîmé par le voyage et l’enchaînement des paysages. Il mentionne une adresse, ce qui m’étonne au plus haut point. Je ne parviens pas à m’en souvenir maintenant que j’écris ces lignes.
Aucune de ses explications, pas une de ses histoires ne vainc mon refus. Il reste un homme hors de tout espoir de vie commune. Une longue liste d’événements et de négociations inabouties suivirent. Nous nous acceptâmes finalement, ce que j’avais secrètement désiré depuis le début, mais que je ne parvenais pas à réaliser. L’artisane de cette acceptation mutuelle, de la paix d’avec moi même, la petite Lue aux yeux de qui tant de fois j’avais voulu cacher cette déchéance, nous regardait tout ce temps de derrière les prolixes figures des cahiers de coloriage.
Paris, le 28 juillet 2008

Safari

Safari

En July 2009
C'était l’été
Ref 229.4a

Rêve cruciverbiste. Une longue grille perplexe avec des cases vides et des cases noires. En vertical, l’intitulé d’une ligne : A demande D et C demande B.
Paris, le 23 octobre 2007

Le trésor

Le trésor

En July 2009
C'était l’été
Ref 229.3a

Dante, Anthony, Lue et moi discutons dans le métropolitain.
Fin de festivité de fin de semaine. Entre deux stations, un homme, qu’habille une grande confiance, se lève et traverse la rame en disant très haut « ça ne prendra que quelques minutes ». Il n’est pas blanc. De sous un siège, il sort un sac puis descend à l’arrêt de la station.
Nous tous, voyageurs quotidiens du metropolitain, avons très peur, et croyons un peu à cette hypothèse évidente, grâce à la présence de toutes ses composantes : l’homme, le métissage, la rame bondée, un sac suspect, le dessous d’un siège, même si elles sont dans le désordre. Je me répète donc qu’il a fait l’action inverse d’un terroriste. Chacun se rassure à sa manière. Cependant la bombe que nous refusions explose derrière moi. Je me retourne, mais à part la fumée personne ne semble blessé. Une grande panique saisit le quai où le train parvient à s’arrêter à moitié.
Toutes les larmes de mon corps tombent sur la possibilité, même infime, que j’aie perdu Lue dans la tôle.
Anthony me rassure, et dans ses gestes je lis la conviction et non la vérité.
Vienne, le 16 mai 2008

They live in a perpetual summer of being themselves

They live in a perpetual summer of being themselves

En July 2009
C'était l’été
Ref 229.10a

Pour mettre fin à ces poursuites incessantes, ces lettres qui encombrent ma boîte et celles de mes anciens appartements de créances, de dettes, et de nouveaux projets, je décide de déménager à Rome, dans les buissons, où personne ne me trouvera, et où je trouverai le bonheur et la sérénité, comme les personnages de Dickens dont Chesterton disait qu'ils vivaient "dans un été perpetuel d'être eux-mêmes".
Zagora, le 27 août 2008