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Guillaume, malgré le grain de la marée

Guillaume, malgré le grain de la marée

En October 2011
C'était l’automne
Ref 293.17

Nous sommes toute une bande à la terrasse d’un café du genre proche de la plage, cerclé par des paravents de paille, mais dans les angles difficiles duquel le sable est parvenu à s’infiltrer. Je remarque qu’à la table d’a côté il y a deux hommes et deux filles qui ne vont pas de paire. L’une des filles est très jolie, blonde, queue de cheval, gentil visage. Je suis au bord de ma table, elle au bord de la sienne, les gens qui rentrent et sortent nous séparent mais à part cela nous écoutons secrètement quels mots qui sortent de nos bouches pourraient trahir les traits de nos caractères. Je fais le premier pas. Le groupe m’accueille bien, ils avaient eux aussi compris. Puis, à un moment, elle s’approche de moi en me regardant de près et nous nous embrassons.

Le lendemain, nous avions rendez-vous a la plage. En allant me préparer, je rencontre une fille sous les arcades d’une cité de bungalows. Blonde, queue de cheval, visage gentil. Je crois bien sûr qu’elles sont la même, l’identique longue altérité. Mais celle-ci, lorsqu’elle me parle, je sais que je l’aime, c’est une chose très différente. Je suis perdu.

Deux des copines de la première passent par hasard, ce qui m'oblige à me cacher (alors que je n’y suis pour rien). Arrivé à la plage du rendez-vous, je joue le jeu absolu de la gentillesse. C’est le remord, la confusion, la peur et une vieille promesse qu’on se fait qui en fait s'expriment.

Je m’écarte finalement de la première fille pour aller chercher les ingrédients de la cuisine de ce soir. Mari parfait qui ment. Dans le magasin m’attend la seconde, la vraie. Elle comprend instantanément cependant que je suis suivi et sort du magasin dès mon arrivée. Les signes sont difficiles à lire, je ne suis pas absolument certain qu’elle ne soit pas partie pour toujours ! Je confonds les deux copines qui me suivaient et les charge avec les courses. Je sors du magasin, gravis les marches qui s’écartent vers la ville, la peur au cœur que celle que j’aime soit partie pour de vrai - mais non, elle me lit, elle sait tout, elle veille sur moi. La voila en haut dans le soleil et les cheveux. Nous nous attrapons dans les escaliers à bout de souffle et, malgré les adversités invisibles que nous nous construisons, et le grain de la marée, le rêve se perpétue en notre amour indivis.

17 mars 2012 Paris

Le rêve du guide

Le rêve du guide

En July 2011
C'était l’été
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Le rêve du guide.

Nous prenons toi et moi le bus, pour y aller. Je m'assois vers l'avant du bus, toi quelques sièges plus bas, sans que cela n'alarme aucun de nos coeurs. Le voyage peut être long, sur le chemin nous allons sans doute revoir de ces lieux que nous avions oubliés que nous connaissions. La nuit sur la route nous serons la bulle lumineuse en travers de la forêt : toutes ces images nous parviennent alors que nous n'avons pas encore démarré, ce qui veut dire que nous partons en voyage.

Cela arrive. Nous traversons les Etats-Unis, ce qui me donne un indice sur ta nationalité. Je crois que tous les autres voyageurs sont vieux, mais ils sont aussi joviaux et colorés. Nous parvenons entre deux plans d'arbres à voir la ville qui nous attend : c'est Santa Barbara (le nom est clairement écrit), ville rose sur laquelle le soleil se couche à la manière américaine.

Le moniteur, Chet, nous fournit des instructions sur comment ne pas déranger les autochtones puis nous lâche dans la ville. Nous marchons, toi et moi, en parlant comme si cela avait toujours été. Il n'y a pas d'épée entre nous deux. Soudain tu t'écartes : une allergie t'a prise, et il te faut un médicament. Tu n'aurais pas dû manger ce que j'avais préparé pour nous ce midi. Mais même en rougissant de la gorge, tu souris tout l'azur.

Tu me parles des décors qui nous entourent et je te raconte ceux qui pourraient nous entourer. De toi et de moi il serait parfaitement impossible à un observateur extérieur de dire lequel guide l'autre, où, et peut-être d'ailleurs n'en savons-nous nous-même rien, sinon que le bus est reparti sans nous il y a de cela des saisons entières.

Rêvé à Rameau, le 8 mai 2013

Tu as les dents si pointues

Tu as les dents si pointues

À London
En July 2011
C'était l’été
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Je parle, je ris, je produis des histoires et quelqu’un entre deux joyaux dit en me regardant «tu as les dents si pointues» ! Je les sens avec le bout de ma langue ; il a raison.

20/10/12 Novotel World Trade Center Grenoble

De la race du soleil

De la race du soleil

En July 2011
C'était l’été
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Dans un grand appartement auquel menait un sentier herbu et des jalons de hautes plantes en pot, vivent MM et Susca de manière parmanente, ou arrivent seulement maintenant MM et Susca (moi qui suis un étranger je peine à en juger).

Susca est sans doute le fils de MM, il porte ses idées, il portera son nom, le respect et l’admiration pour son nom. MM marche joyeusement avec des béquilles, comme qui, en pleine santé, se serait cassé un pied, et sait qu’il est en transition de pouvoir remarcher, et que pendant ce temps il peut compter sur ses amis pour combler ses absences. Moi, je ne sais pas comment me rapprocher de l’un et de l’autre.

Nous cherchons des verres dont un profond placard. Un doux soleil de fin de journée par la verrière. MM me prend dans un bras, et m’embrasse chaleureusement. La mémoire ancienne et les moments de ces années d’enfance où mon Père me prenait d’un bras et m’embrassait amoureusement font que le rêve se passe soudainement un après-midi d'été.

Paris, le 14 novembre 2008

L'araignée a mordu la moitié de mon corps et je penchais

L'araignée a mordu la moitié de mon corps et je penchais

En June 2011
C'était l’été
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Je me suis levé tôt ce jour-là, avant ma mère. Des petites pattes qui avaient parcouru ma tête alors que je dormais n’avaient cessé de me tourmenter. J’imaginai une araignée longue et curieuse, je n’osai pas brosser mon crâne pour la chasser de peur de trouver encore pire animal. Plusieurs fois je m’étais réveillé et je l’avais cherché partout, mais sans l’apercevoir. Finalement j’ai remarqué qu’il y avait un petit scarabée noir qui vivotait au pied du lit. Je le tuai avec un livre et ses entrailles étaient vertes, en conséquence de quoi il me fut impossible de me recoucher, et le jour commença.
31/01/13 Rameau

Vivre ensemble

Vivre ensemble

En June 2011
C'était l’été
Ref 285.11

Eugénie est sortie, mais Gaspard n'a pas quelques mois. Sylvain et moi travaillons dans l'inquiétude qu'une affaire de bébé ne nous mette face à notre incompétence absolue en la matière. Lorsque la situation se présente, nous sommes dans la salle à langer, et il va falloir changer le petit. Gaspard pleure, nous l'envisageons sous plusieurs angles. Finalement, Sylvain le soulève par les pieds, fermement, mais aussi avec douceur. Il lui dit (il faut assister au moins une fois à cette scène où un ami devient un père) : "Ecoute Gaspard, moi je ne sais peut-être pas t'éduquer, mais toi, tu ne sais pas vivre. Alors je vais apprendre à m'occuper de toi, et toi tu vas apprendre à vivre".
Je ne me souviens plus du tout si cela s'est réellement produit, mais si on termine cette anectode en racontant que Gaspard s'est immédiatement tu, ça ne peut pas être essentiellement faux.

The dismay in the face, it's a loss, it's a find, it's the joy in your heart

The dismay in the face, it's a loss, it's a find, it's the joy in your heart

En May 2011
C'était le printemps
Ref 285.18

A stick, a stone,It's the end of the road,It's the rest of a stump,It's a little aloneIt's a sliver of glass,It is life, it's the sun,It is night, it is death,It's a trap, it's a gunThe oak when it blooms,A fox in the brush,A knot in the wood,The song of a thrushThe wood of the wind,A cliff, a fall,A scratch, a lump,It is nothing at allIt's the wind blowing free,It's the end of the slope,It's a beam, it's a void,It's a hunch, it's a hopeAnd the river bank talksof the waters of March,It's the end of the strain,The joy in your heartThe foot, the ground,The flesh and the bone,The beat of the road,A slingshot's stoneA fish, a flash,A silvery glow,A fight, a bet,The range of a bowThe bed of the well,The end of the line,The dismay in the face,It's a loss, it's a findA spear, a spike,A point, a nail,A drip, a drop,The end of the taleA truckload of bricksin the soft morning light,The shot of a gunin the dead of the nightA mile, a must,A thrust, a bump,It's a girl, it's a rhyme,It's a cold, it's the mumpsThe plan of the house,The body in bed,And the car that got stuck,It's the mud, it's the mudAfloat, adrift,A flight, a wing,A hawk, a quail,The promise of springAnd the riverbank talksof the waters of March,It's the promise of lifeIt's the joy in your heartA stick, a stone,It's the end of the roadIt's the rest of a stump,It's a little aloneA snake, a stick,It is John, it is Joe,It's a thorn in your handand a cut in your toeA point, a grain,A bee, a bite,A blink, a buzzard,A sudden stroke of nightA pin, a needle,A sting, a pain,A snail, a riddle,A wasp, a stainA pass in the mountains,A horse and a mule,In the distance the shelvesrode three shadows of blueAnd the riverbank talksof the waters of March,It's the promise of lifein your heart, in your heartA stick, a stone,The end of the road,The rest of a stump,A lonesome roadA sliver of glass,A life, the sun,A knife, a death,The end of the runAnd the riverbank talksof the waters of March,It's the end of all strain,It's the joy in your heart.

Ce n'est pas à toi personnellement que les océans en veulent

Ce n'est pas à toi personnellement que les océans en veulent

À Paris
En May 2011
C'était le printemps
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Grande pièce centrale d’une maison plus vaste aux murs de bois, dont la hauteur sous plafond fait perdre de vue les cornes et les dents des têtes de cerfs empaillés au plafond. Par les fenêtres qui donnent sur la mer, nous voyons d’innombrables petites tornades se jeter sur nous comme une armée. La maison tiendra, mais que n’ira pas ensuite inventer le destin pour nous mettre à l’épreuve. Vient alors une sorte de grand arc électrique qui relie deux nuages immenses. L’arc pénètre les murs et me cisaille la nuque. Une vague oblique dont je peine à déterminer la taille réelle monte déjà en diagonale sur les fenêtres. La maison n’est plus sûre, il faut soit partir de suite en ouvrant la fenêtre et l’inonder graduellement, soit attendre que l’eau ait possédé tout le paysage, ouvrir la fenêtre d’un coup, résister au courant qui voudra combler toutes les pièces et nager contre les forces du monde rassemblées.

Je prends Ice dans mes bras, parce qu’elle est toute petite, et m’échappe d’une de ces deux manières. Devant nous court un immense escalier de pierre, qui mène à un temple dont les hauteurs nous préserveront de la catastrophe. Ou peut-être n’est-il pas nécessaire de grimper tout en haut et les océans fâchés en avaient-il uniquement après la maison, dont le ravage nourrira leur secret besoin de sérénité.

Rêvé à Paris, le 23 février 2012

Le tiède et le dehors

Le tiède et le dehors

À Paris
En May 2011
C'était le printemps
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J’ai rêvé que tu étais si petite dans mes bras. Chez moi était un hôtel chaleureux, de montagne, fait en bois comme le chalet Felizaz qui m’est refusé au jour de l’an. Ma mère mange de hautes tartes au fromage encaissées dans des pots de fer. Au tournant de l’étroit escalier qui mène au premier étage il y a bibelot qui va se casser la gueule, c’est certain, à force de grimpées joyeuses.

Nous, nous étions dehors, au Palais Royal, je te portais dans mes bras. Nous venions de nous rencontrer, nous étions les bons. Je voulus avancer parmi les arbres, mais tu me dis de revenir quelques pas en arrière, sous le péristyle Montpensier où il fait plus sombre. Je tenais tes seins d’enfant dans mes mains, par dessous ton tissu pour nous réchauffer.

Puis tu t’es mise à courir et la pluie est tombée. Je t’ai suivie rue de Richelieu, j’ai bien cru te perdre des yeux, mais nous jouions. Nous nous sommes retrouvés à l’hôtel de bois, tu avais les traits d’un petit garçon que j’ai connu et qui a grandit d’un seul coup.

Rêvé à Paris, le 16 décembre 2007

Le boucher et le retraité qui ont sauvé le Leica

Le boucher et le retraité qui ont sauvé le Leica

À Vence
En April 2011
C'était le printemps
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Ceci n'est pas un rêve.

A la fin du mois d'avril de 2011, nous avions déjà bien fraternisé Sophy Reynolds et moi. Nous marchions ou nous faisions du vélo. Nous parlions de la peinture en général, des matins où elle nageait aux côtes de la Tasmanie qu'elle venait de quitter, et des montagnes dont le manque, depuis alors presque un ans que je ne les gravissais plus, commençait à se faire entendre chez moi ; et c'était le printemps à Paris.

Ayant soudainement décidé de s'écarter de la métropole pour peindre, Sophy avait sous-loué une pièce étrange dans une maison médiévale de la ville de Vence, au sud de la France. Elle m'avait invité à y passer quelques jours et je pris le train pour la rejoindre avec, comme chaque fois, un maigre sac, quelques chaussettes, un t-shirt, une veste, le Leica et des pellicules.

Dans le train quelque chose se produisit, une fillette devant la montagne derrière la vitre, une ligne, je ne le sais plus. J'essaie de prendre une photo mais rien ne se passe. Le Leica, qui a quarante-neuf ans et demi, vient de mourir. Je regarde le paysage de manière calme et inutile — toute notre vieille amitié je m'étais préparé à ce que tu partes — et dehors il y a la mer.

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En arrivant à Nice puis à Vence je me sens franchement libre et inquiet. Mais, alors que nous discutons dans un café de la texture des oeuvres d'art et de l'internet, je remarque le point rouge du logo Leica posé sur un mur par delà la fenêtre. Histoire inattendue, Le mur est celui d'une boucherie, tenue par M. Robert Jouannay, dont le deuxième prénom est Equation, et qui possède près de 5000 Leica. On peut les voir dans sa boucherie ainsi qu'ailleurs.

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Il est arrivé, il y a de nombreuses années de cela, que Julius Oppenheimer lui fit le cadeau d'un Hasselblad. Je papotais avec M. Jouannay, qui insista pour qu'on l'appelle Robert, Sophy et moi, parmi les saucisses et les tripes, et je mentionnais sans espoir le cas de mon appareil brisé. Bien sûr, M. Jouannay est un vieux copain de Roger Martin, qui vit un peu plus bas après la scierie, vieil homme distingué avec des mains en or qui, s'il ne dormait pas, pourrait sans doute me venir en aide.

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Roger Martin fut autrefois un athlète nageur militaire. Il était aussi ami de l'association Leica. Dans les grandes années, il était autorisé à appeler Doisneau "Maitre" et pouvait entrer dans la salle des réparations, le graal du graal où les appareils en pièces se font tripoter tout nus.

Roger pense que mon problème n'est pas bien grave et, avec ses ongles longs et précis, il répare mon Leica. La première photo que je prends est celle de sa silhouette, la silhouette de Roger Martin qui a réparé le Leica.

Sur le chemin du retour, Nous passons remercier à son tour M. Jouannay. M. Jouannay trouve que Sophy et moi, nous sommes bien trop maigres. Il nous fait don d'une dizaines de boulettes de viande qui s'avèrent être les meilleures boulettes de viande que j'ai mangé de ma vie.

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Le soir même, avec Sophy, nous sommes retourné chez M. Jouannay pour lui apporter quelques tartes aux fruits que nous avions faites. Le jour suivant, nous sommes partis marcher en foret, puis en montagne. J'ai pris une photo en couleur puis j'ai repris le Leica comme si de rien n'était. Je me souviens qu'à un moment Sophy a glissé et est tombée.

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Je ne me sentais plus inutile, ni à l'abris du danger, ni du changement, ni particulièrement vulnérable. Je m'étonnais même que cette histoire à la fois magnifique et très locale ne se soit pas produite plus tôt, dans les dix ans que nous avons passés ensemble, 1018829 et moi (c'est son numéro de série — je l'ai appris au cas où on me le volerait). Mais sans doute qu'une histoire similaire est arrivée à l'autre ou aux autres photographes qui l'ont manipulé, et dont la sueur acide a, par le passé, rongé la même forme que moi dessous le boîtier où l'on replie les doigts (les mêmes doigts), pendant quarante autres années.

Toi et moi nous sommes si proches à ce moment de notre vie que j'en oublie les autres qui t'ont aimé, que tu as aimé et avec qui, à chaque fois sincèrement, ca été pour toujours.

Omar Khayyam : The rose that once has bloomed forever / dies — La rose qui un jour éclot pour toujours / meurt.

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