Tout ce qui est inévitable devrait être joyeux.
C'était le printemps
La nuit, le deuil, l’oubli, qu’on vous trahisse ou qu’on fasse injustement de vous un traître, la chance ou le regret, ce sont des événements mondains. Et même la lassitude qui vient se faire éprouver lors de passions qui jadis nous auraient animées pour toujours, c’est une chose commune. Parmi tout ceci, tout ce qui compose la vie de tous, tout le temps, on peut bien sûr compter quelques épreuves géantes, et un nombre fini, envahissant, de fatalités douces. Mais c’est justement là, dans le sentiment de la fatalité, que se trouve la plus ordinaire occasion de reconnaître, à côté du nombre modeste de choses qui nous appartiennent, l’infinité des voies qui réveillent en nous l’humanité et ses puissances collectives.
Une première façon de vivre avec la fatalité consiste à continuer sans la regarder, puisant l’essence même de la vie dans la superstition selon laquelle refuser ce qui est destiné est le propre de l’Homme, et qu’on appelle l’espoir. Une autre voie serait de compter sur nos doigts ces événements de la vie, de passer un moment en leur compagnie, afin de reconnaître en eux le caractère commun de ce qui ne dépend pas de nous.
Vers nous, à travers chaque chose universelle et mystérieuse, c’est en réalité l’espèce qui s’avance. De ce à quoi on ne peut pas échapper, de ce qui ne nous appartient pas en propre, de tout ce qu’il échoit à tous de traverser, il faut apprendre à tirer une liesse également démesurée, une force également multiple, cette joie impersonnelle qui n’a pas commencé avec nous, et dont nos meilleurs rires empliront le cours. C’est ce que je nous souhaite : de poursuivre avec n’importe quelle allégresse possible cette forme particulière de l’harmonie qui peut nous sembler triste si on oublie qu’elle nous précède, nous entoure et nous justifie.