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La verrerie de l’existence 

La verrerie de l’existence 

En January 2015
C'était l’hiver
Ref

Je me réveille au beau milieu de la nuit et je surprends ce rêve symétrique.

Tous les animaux marchent en paires égales. Il y a deux de chaque choses dans le monde. Tous les animaux marchent par paires vers l’entrée d’un parc ou d’un jardin, devant laquelle est postée un homme et sa réplique. Ils bougent de manière exactement identique. Chaque homme identique accueille avec égalité chaque animal de chaque paire dans le jardin.

Rêvé à Paris le 14/11/18

Les gens qui passent et ceux qui restent

Les gens qui passent et ceux qui restent

En October 2014
C'était l’automne
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Rêve du verre d’eau surnuméraire.

Quelqu’un dort dans mon appartement avec moi. Sa présence m’inquiète. Je suis au fond de mon lit mais je l’entends remuer. Je lui demande un verre d’eau. J’ai déjà un verre d’eau plein sur ma table de chevet. J’espère qu’il ne s’en rendra pas compte en me tendant son verre d’eau car il comprendrait alors que je souhaite juste le faire venir à moi pour découvrir son visage.

Il me tend le verre d’eau que je pose à côté de l’autre. Il ne s’en rend pas compte. Son visage est gentil et nocturne : il pense déjà à autre chose. Il me demande avant de partir s’il est possible de «changer la date». Je me souviens alors que nous devons cuisiner ensemble et que c’est pour cela qu’il est dans les parages : je l’accueille. Ce n’est pas un intrus qui rode, je suis en réalité son hôte et c’est moi qui l’ai invité.

Rêvé à Paris le 17/11/15

Il existe, entre les conséquences de nos vies et la stature des astres, une disproportion humiliante et tranquille

Il existe, entre les conséquences de nos vies et la stature des astres, une disproportion humiliante et tranquille

En May 2014
C'était le printemps
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Pendant que nous menons nos affaires, l’univers continue de s’étendre dans toutes les dimensions, comme une maille tirée par douze mains. Le destin profond de chaque atome est l’isolement et le silence thermique. Il serait fou et métaphorique de dire que la société humaine du XXIe siècle ressent déjà l’effet de cette dislocation. Que si l’espace grandit entre les classes sociales, c’est depuis le Big Bang. Que si les générations peinent à se parler, c’est à cause d’une dynamique cosmique. Que tout semble de plus en plus hors d’atteinte, parce que c’est écrit dans le ciel. Contrairement aux galaxies et aux constellations, nous possédons la politique, l’éthique et le soucis de l’autre nous permettant, si nous le voulons, de nous rapprocher.

Alors où sont ces grandes puissances d’intégration pour les pensées, les souvenirs, les rêves de l’homme ? Quelles forces peuvent nous aider à composer un monde commun ? Comment articuler tous nos mensonges, nos contradictions, nos mauvaises fois avec le fait que nous essayons juste de vivre une vie bonne ? On peut être à la fois entrepreneur, avoir peur, et ne pas vendre des produits inutiles. On peut être une femme ou un homme politique, convoiter le pouvoir, et rester honnête.

Les couturiers sont de grands intégrateurs. Voilà ce que je nous souhaite : recoudre comme si nos vies en dépendaient, la maille distendue de la société ; comme on reprise la dernière chaussette en hiver. Intégrer ce qui s’éparpille, réunir ce qui s’éloigne, susciter chez ceux qui cherchent à se distinguer le désir de se rejoindre. Réconcilier les contraires, dans la société comme en nous-mêmes. Pour cette année : opérer une synthèse dans la multitude que nous sommes, trouver l’unité dans le citoyen, le parent, l’employé, le militant, le déserteur, l’ambitieux, le rassembleur, le réticent. Quelque chose de valeur et de jeune.

Je ne suis pas inquiet du sort de la planète. Et quiconque a déjà levé les yeux vers l’infini, une nuit par un ciel étoilé, ne devrait pas s’inquiéter non plus. Il y a en nous le pressentiment de la discretion de notre vie. L’expérience de la Voie Lactée le ravive. Et quoique notre vie soit “tout ce que nous ayons”, il existe, entre ses conséquences et la stature des astres, une disproportion humiliante et tranquille. La Planète joue un autre jeu que nous. Rien de ce que nous ne pourrons jamais faire n’aura de portée au-delà d’une communauté minuscule d’êtres vivants, coincés dans la contrainte de notre présence. Et c’est justement pour ça que cette communauté devrait représenter ce qu’il y a de plus sacré : parce qu’elle témoigne, dans ce que nous lui faisons subir, du fait que nous existons vraiment.

Ramasse tes dieux

Ramasse tes dieux

En January 2014
C'était l’hiver
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Yaoyorozu no kami. Le Shintoïsme possède huit millions de dieux (un nombre infini de dieux). Ces dieux sont la rivière, le vent et le cerf. Ils sont une chose commune, une chose des grands chemins. Ils sont la terre qui apaise et le campement de la montagne. Ils sont l'enfance sacrée, la maison et les grands paysages. Nous les partageons tous, en eux habite un regard éveillé.

S'il arrive que leur clarté nous échappe, c'est que les mois se sont pelotonnés dans les mois. La vie devient dure. Souvent, non sans avidité, nous nous approprions leurs bienfaits. Séculaires, dans l’ombre, ils attendent pourtant que nous fassions halte, comme des enfants, dans leurs visages profonds. Ce qu'il y a de mutuel en eux cherche à nous sauver.

C'est cela que je me souhaite. Retrouver le monde, c’est retrouver le geste par lequel nous savons détisser, un, à un, les noeuds qui entremêlent nos vies parfois jusqu’à l’inextricable. On prie dans le sud Maria Desatadora dos Nós qu’elle nous vienne en aide. Mais le monde tout entier en possède le désir. Je nous souhaite que la multitude moins occupée des petits dieux nous prête ses doigts transparents. Je nous souhaite de savoir ramasser leur nombre infini, qui jonche patiemment la route. Je te souhaite cela.

Hic Rhodus, hic salta !

Hic Rhodus, hic salta !

En May 2013
C'était le printemps
Ref

"Hic Rhodus, hic salta !" dit le vieux maître : c'est ici Rhodes, c'est ici que tu dois sauter. Rhodes, Paris, Rome, Munich, New York, Londres, Hong Kong, Tromsø... Tout est à faire dans l'année où tu t'apprêtes à habiter, et qui est 2014 : c'est ici que tu dois sauter.
(Ou, ce que dit Michel Maffesoli : "c'est ici que tu danses...")