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Te voilà, après tant d'années

Te voilà, après tant d'années

En July 2008
C'était l’été
Ref 204.13

Une araignée est venue par la latérale poser ses quatre pattes dans mes quatre doigts allongés. Nous nous sommes repliés. Je ressens si fort cette harmonie parfaite des formes et des destins contre nature !
Marrakech, le 22 août 2008

La confiance règne

La confiance règne

En June 2008
C'était l’été
Ref 202.2

Long rêve autour d’une Royce puissante, quoique beige et marron, de type break, dont je suis plus ou moins le gardien. J’essaie même de la conduire. Une autre voiture vient à ma rencontre, à ma droite on me rassure que sa "lampe" lui permettra de m’éviter. Les voitures ont toujours des systèmes de pilotage automatique dans mes rêves.
Il se produit que la voiture s’en va. Elle était aussi un grand bateau miroitant avec des voiles triangulaires : c’était un objet de fierté et d’anciennes prophéties qui décide finalement, au terme de silencieuses péripéties, de revenir. Nous l’acclamons. Dans une maison à l’américaine, des enfants ne viennent pas la voir, ils pensent que c’est une "Martini voiture". Quels idiots ; s’ils savaient !
Paris, le 26 juillet 2008

Traumwetter

Traumwetter

En June 2008
C'était l’été
Ref 202.18

Une longue place de sable, où perce un petit lac, planté d’une île convoitée au milieu. Transats, jeux de ballons rayés, parasols, vendeurs de glace, reflets de crème solaire sur les omoplates saillantes, l’obscénité de l’âge en bikini.
Assis au comptoir du bar, sur un tabouret de bois, sous un toit de feuilles, la paille plantée dans une boisson stratifiée, j’apprends que jamais ni moi, ni mes amis n’atteindrons cette île centripète, qui est la seule raison à la fois de ma venue ici, des parkings à camping-cars, des hôtels à balcons et de toute l’économie de cette plage. En quittant mon cocktail, dépité, je me dis que, quitte à tout perdre, autant tout perdre, et je laisse tomber le Leica dans le sable, dédouané de toute suspicion d’inconscience par la parfaite connaissance des risques que le sable fait courir à ses rouages. Cependant, au loin, l’île me semble fate et moribonde, sans doute que le seul privilège de ceux qui y parviendront sera d’être regardé et commentés par le grand cercle des autres. Quelle perte remplaçable !
Je fais donc demi-tour pour ramasser le Leica, je me souviens parfaitement d’où je l’avais fait tomber : près d’un losange de sable rouge. Mais je ne le trouve pas, je ne le trouve pas. Inexplicables, les larmes me remplissent, et comme un enfant qui a perdu sa mère dans une place aveugle de monde, persuadé qu’elle existe cependant, précise et unique parmi le nombre infini des grains de sable, je me raccroche à l’espoir qu’un pas inattentif ait enfiché l'appareil dans le sol, et qu’il me suffira de le tirer par la coriace lanière de cuir.
Premières larmes depuis 3 ans, avec Lue au Lamfé.
Rue Saint marc, 11 octobre 2008

Les corbeaux

Les corbeaux

En May 2008
C'était le printemps
Ref 200.9

C’est toute une fratrie qu’on enterre, morcelée, un à la fois. Chaque soir, depuis des semaines, avec le même costume je me présente à l’église. Un soir, il me prend de pleurer sur Lue, sur l’idée qu’elle puisse souffrir. Je me dis, en approchant du perron, que ces larmes seront sans doute mésinterprétées, et qu’elles ne desserviront pas le deuil des autres.
Sylvain, qui m’accompagne plutôt ce soir que d’autres soirs, cherche à garer la voiture. Pour ne pas attendre bêtement, je tourne un peu devant une autre église, où on enterre d’autres morts. Les familles qui en sortent ont cependant un deuil plus joyeux que les nôtres. Certains visages creusés parce qu’ils sont vieux, d’autres visages jouent au football avec les enfants. J’y rencontre une fille, qui m’accompagne naturellement. Elle me caresse le bas du ventre avec le sourire, peut-être sans savoir ce qu’elle réveille. Je me convaincs de bifurquer du chemin de l’enterrement, vers cette esplanade verte, plantée de rangées de chaises, où je songeais à venir et qui sera notre coin tranquille. Il y a une trappe qui couvre un trou dans la muraille. Je la soulève et ne vois que le paysage. "Nous sommes peut-être trop haut" pensai-je, "si nous passons, nous tombons". Finalement cette idée me fait plus peur que l’interdiction d’être ici. Mais la fille téméraire passe dans le petit trou et m’amène avec elle. Les gardiens qui nous repèrent partent à notre poursuite, mais nous courons heureux. Je ne sais pas ce qui nous lie mais nous sommes secrètement calmes. Quand un autre gardien nous barre la route, elle lâche mon bras, plonge dans la mer, et révèle sa magnifique queue de sirène, qui s’éloigne gaîment et sans m’abandonner. Au loin quelques collines sur l'eau et des maisons d’où disparaissent des fumées, le soleil calme sur les yeux des goémons, la certitude de la revoir et l'Alizée qui me font écarter les bras comme un aéroplane.
Paris, Janvier 2009.