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Narni

Narni

En May 2007
C'était le printemps
Ref 171.22

Sur le quai du métro, assez tard dans la nuit, le métro qui ouvre ses portes les referme presque aussitôt. J’ai le temps de me glisser à l’intérieur, mais les deux filles avec qui j’étais restent bouches bées sur le quai, et je ne sais pas quel signe leur faire alors que ma fenêtre s’éloigne d’elles.Le conducteur prend la parole dans le wagon et indique avec beaucoup de sarcasmes (le conducteur qui avait à peine ouvert ses portes un instant), que ce métro est le dernier de la nuit, et que ce n’est pas la peine pour ceux qui ne l’ont pas pris d’espérer rentrer chez eux indemnes. Je pense à ces deux filles que je voulais attendre au prochain arrêt, mais que, finalement, je ne reverrai plus jamais. D’autant plus qu’elles m’ont laissé la garde d’un large sac de gym, gros comme 4 polochons, que je ne peux même pas mettre sur la poussette, et d’un autre objet étrange.Nous nous regardons vaguement avec les autres passagers, comme on se regarde vaguement dans un métro. Je suis accroché à la barre de métal, au centre, et il y a une autre fille. Je crois que nos bras s’enchevêtrent, ou que j’emmêle dans les lanières de son sac. Pour nous détacher, elle doit faire de grands mouvements de bras, et, pour plus de simplicité, elle décide de poser ma tête sur son gros pull en angora abricot, ce qui n’a pas cessé de me faire rire. Elle le fait avec une grande bienveillance, et j’entends les autres passagers murmurer que j’ai de la chance. Sa station arrive, elle descend en me lançant un au-revoir complice, et je me mets dans un coin avec un sourire immense et les yeux fermés, pour profiter je ma joie. Du coup, lorsque je me souviens que j’ai la garde de la poussette et du sac de gym, il est trop tard et j’ai peut-être déjà raté ma station. Non : c’est juste celle-ci. Un rapide calcul me permet de savoir que j’ai encore le temps de descendre, mais que je dois abandonner les bagages encombrants des filles que je ne reverrai jamais. Donc je sors, plus ou moins satisfait.Seulement les passagers du train se rouent sur le sac, l’ouvrent et, voyant qu’il ne contient que des édredons et des traversins, l’envoient balader par la fenêtre sur mon quai, et la poussette avec.Arrivé sur le quai de cette gare de train de banlieue, je sais qu’il me reste encore du chemin à parcourir à pied, avec cette charge dont je suis responsable et qui me doit tout. Il y a un jeu entre les autres protagonistes, à être sur les rames ou sur le quai, qui m’inspire le sentiment du danger, danger qui grandit lorsque ma charge, bruyante, leur fait tourner les yeux et attire leur convoitise. Et alors qu’ils approchent pour la désosser de nouveau, ne sachant pas si elle mérite que je mette ma vie en péril pour la sauver, il me vient une nouvelle qui me résigne à me battre. Je me souviens de ce que contient le troisième objet : mon béret de marin, celui qui permet d’avoir toutes les femmes, même Nicole Kidman.Rome, le 16 août 2007