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L'amour et les plantes religieuses poussent et te protègent, Camille

L'amour et les plantes religieuses poussent et te protègent, Camille

En November 2011
C'était l’automne
Ref 296.1

J’accroche mon vélo à la herse qui protège une fenêtre basse, juste devant la maison de l’enfilade de la rue où nous avons rendez-vous. La nuit, le paysage inconnu, ce quartier difficile à sonder sont à mon désavantage, et il me faut une grande force d’esprit pour quitter le soupçon qu'on me volera mon vélo, et me laisser aller à la soirée.

L’intérieur de la maison est vieillot et faussement marbré. Nombreuses plantes en plastiques qui pendent de pots en plastiques. Une seconde partie de la soirée s’écoule paisiblement sans que mon esprit ne revienne sur mon vélo. Mais cela finit par revenir, car je suis obsédé par la justice. Cependant, il est déjà trop tard lorsque je décide de prendre les devants : je le vois parle carreau de la fenêtre, on m’a volé ma selle (encore, troisième fois) et je m'enfonce dans un fauteuil couvert d’une toile aux motifs floraux, le visage entre les mains.

Soudain Laura était à cette soirée. Il n’est pas impossible que cela aussi je l’ai su tout du long, mais pour nous protéger elle et moi, je l’avais oublié aussi. Ce simple fait achève de me désarmer, et je me mets à pleurer, des larmes qui emportent le souvenir de ma selle sur mes ischions, le sentiment obscure du viol, le dégout devant l’injustice, la frustration d’un crédit que je ne solderai pas avec ce voleur, une grosse envie de rébellion contre tous les couvreurs de fauteuils qui aiment les motifs floraux. Puis je me rappelle qu’en me souvenant de mon vélo, je me suis aussi souvenu de Laura, et que si les deux existent, alors je suis à la fois en danger ici, et sauf dans ma vie. Laura me prendra dans ses doigts, il suffit que je la trouve parmi les marbres de la jungle et les fleurs jaunes qui coulent maintenant des papiers peints.

Paris 21 janvier 2012