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Nice ? Briançon ? Manosque ?

Nice ? Briançon ? Manosque ?

En May 2006
C'était le printemps
Ref 155.13

Je suis dans les montagnes, à 2330 metres, où l'herbe explose de sauterelles devant tes pas, où l'eau des lacs d'altitude est grise, ou le bois se fend à la hache. En haut de la citadelle, je suis dans une photographie de Briançon. Je suis aussi à Manosque, pour faire les 14 pots annuels de confiture de figue triple bourbon brûlé, brugnon rhum brun, abricot Henri Bardouin. Je suis à Marseilles, à Nice et à Rome , où il n'y a pas un seul romain. Je suis le type à l'Antique Café de la Paix, sous l'égide de l'aigle à deux têtes pour une seule couronne, qui essaie de finir un livre. Lorsque ça me gratte, je suis dans la voiture de Vincenzo.

Godot ?

Godot ?

En May 2006
C'était le printemps
Ref 153.4a

Il y a ce tour, le tour peut-être le plus fameux de la littérature, plus fameux que celui joué par Ulysse au Cyclope Polyphème. Le Cyclope était entré dans la grotte où se réfugiaient Ulysse et ses compagnons et il avait mangé plusieurs hommes. Ulysse lui parle avec bravoure et aussi de l'effronterie, puisqu'il lui propose du vin après la viande humaine qu'il a mangé. Il s'agit bien sûr de ses compagnons. Le Cyclope lui demande son nom et, tout le monde a entendu cette histoire, Ulysse répond "mon nom le plus connu, c'est personne". Et bien ce tour qu'Ulysse joue au Cyclope est beaucoup moins beau que celui d'Abraham (Gen.18.24), parce qu'Abraham jour un tour à Dieu lui même, qui est plus difficile à berner qu'un géant avec un seul oeil.Dieu révèle à Abraham qu'il va détruire Sodome. Il dit "le cri contre Sodome et Gomorrhe s'est accru, et leur péché est énorme". L'intercession d'Abraham en faveur de Sodome est un dialogue avec Dieu au cours duquel Abraham dit qu'il y a peut-être cinquante justes dans la ville, et que détruire les justes parmi les pêcheurs est une manière d'agir qui est "loin de toi", qui n'est pas dans les habitudes de Dieu. L'Eternel le concède. Pour cinquante justes, il ne détruira pas la ville. Ici commence une série de négociations sur le nombre de justes au dessus duquel l'Eternel épargnera la ville. Abraham parvient à obtenir le nombre de 10, en étant parti de 50 et même s'il retourne humblement dans sa demeure, le lecteur sait qu'il s'est bien joué de Dieu.Les justes de Sodome sont une métaphore très ancienne et assez répandue, qui parle les puissances cachées qui animent toutes choses et qui ne nous seront jamais révélées. Max Brod apporte une variation sur cette métaphore. Dans le Talmud, il est question des 36 justes qui accueillent la présence divine. Si un seul de ces 36 hommes venait à manquer, le monde se terminerait. En Hébreu, trente se dit lamed et vav veut dire 6. On les appelle ainsi les Lamed-vav Tzadikim, les 36 personnes. Ils ne se connaissent pas, ils ne savent rien du chiffre 36, et si l'un d'eux venait à apprendre qu'il est l'un des 36 justes, la tradition dit qu'il mourrait et qu'un autre viendrait prendre sa place. Il existe une manière de savoir qu'un homme n'est pas l'un des 36 justes. Lorsque vous entendez quelqu'un dire qu'il est l'un des 36 justes, il est presque certain qu'il n'en n'est pas un.Les justes sont aussi appelés les Nistarim, ceux qui sont cachés, parce qu'on ne les verra jamais, et qu'ils peuvent être n'importe qui. Borges mourrait cinq ans après avoir écrit ce poème, qui s'intitule Les justes :Un homme qui cultive son jardin, comme le souhaitait Voltaire.Celui qui est reconnaissant à la musique d'exister.Celui qui découvre avec bonheur une étymologie.Deux employés qui dans un café du Sud jouent une modeste partie d'échecs.Le céramiste qui médite un couleur et une forme.Le typographe qui compose bien cette page, qui peut-être ne lui plaît pas.Une femme et un homme qui lisent les derniers tercets d'un certain chant.Celui qui caresse un animal endormi.Celui qui justifie ou cherche à justifier le mal qu'on lui fait.Celui qui est reconnaissant à Stevenson d'exister.Celui qui préfèrent que les autres aient raison.Tous ceux-là, qui s'ignorent, sauvent le monde.

Mark Strand au Liceo Gallileo

Mark Strand au Liceo Gallileo

En May 2006
C'était le printemps
Ref 151.23

To stare at nothing is to learn by heartwhat all of us will be swept into, and baring oneselfto the wind is feeling the ungraspable somewhere close by.Mark Strand, "The Night, The Porch"

Terrible au batailleux Champs des Fleurs

Terrible au batailleux Champs des Fleurs

En April 2006
C'était le printemps
Ref 149.28

Nous devions voir un film ensemble et le rendez-vous avait été donné dans mon ancien appartement, qui n’est pas encore à Paris. Les canapés étaient ouverts, on avait disposé des coussins et des couvertures et la télévision neigeait. Terrible et moi le savions : nous souhaitions quelque chose mais les volontés ou les dieux nous en empêcheraient avant la fin du rêve. Le portable romain sonne. Je vais aux toilettes comme pour que la conversation ne se mélange pas avec cette situation qui me plaît tant. C’est Massimo qui appelle, comme souvent, sans raison, pour savoir ce que nous faisons et si nous pouvions nous voir. Je lui explique où et avec qui je suis, finalement bien content d’être aux cabinets et que personne ne m’entende, parce que le simple fait d’énoncer ma situation me parait non sans impiété. Vient un moment où nous sommes allongés, les lèvres de Terrible frôlent les miennes, le jeu est cruel mais nous en sommes les artisans.Voilà une vaste muraille blanche qui est le Vatican. Terrible veut manger des glaces ou autre chose. Je la prends sur mes épaules, une grande partie du rêve est marqué par un sentiment de recherche d’équilibre. Je monte des marches en la sentant sur ma nuque, son plaisir d’enfant me renverse d’espoir. Nous rencontrons une autre fille et Sylvain, peut-être quelques autres. Il y a assemblée, table ronde, je souhaite à Sylvain que la fille s’intéresse à lui et je parade en renvoyant mes mérites vers son image. L’amitié. Enfin ce que j’attendais se produit : une chambre romaine se libère, je vais pouvoir vivre ici. Elle se trouve au rez-de-chaussée du Palazzo di Monte Giordano et je n’entends pas bien le prix mais il me semble correct. (J’essaierai de le préciser plusieurs fois mais on ne demande rien aux personnages des rêves). Deux hommes souriants, un père et un fils, me laissent cette chambre dont la cuisine jouxte une cantine d’école. Elle est très recherchée. Je l’obtiens par mes réseaux. Nous la visitons, je me sens un peu triste alors le lit est un lit simple, dans un coin. Je revois Terrible arpenter ses couloirs. La maison s’étend en escaliers, en colonnes, en couloirs courbes, des plaques de bois et des systèmes de poulies permettent d’aboutir à des chambres secrètes et des trous dans le planchers averrent que nous sommes maintenant bien haut à force d’avoir grimpé. La maison se compose d’un nombre incalculable de lieux serrés et compliqués qui la font ressembler à une île aux trésors avec ses pièges, ses récompenses, la ferveur du voyageur qui l’arpente ; elle est le labyrinthe de Terrible ; elle est Terrible.Rome, 6 juin 2006